Vice, vertu, désir, folie: quatre mots qui résument, à eux seuls, toute l’ampleur de l’ambition de la Flandre, entre les 15e et 18e siècles. Incidemment, il s’agit aussi du titre de la nouvelle exposition présentée au Musée des Beaux-Arts de Montréal, dès le 8 juin.
Splendeur et décadence pour une région du monde qui a vu sa richesse, son savoir et sa diversité se décupler en raison de l’attrait commercial de ses ports. Et avec cet afflux massif d’argent, notamment en lien avec les possessions coloniales des empires espagnols et portugais, la Flandre – dans ses frontières d’alors, et non pas celles d’aujourd’hui, c’est-à-dire la partie nord et néerlandophone de la Belgique – disposait enfin des ressources pour permettre la naissance d’un véritable marché de l’art, au-delà des traditionnelles commandes de la part des nobles et de l’Église. Dont acte.
À travers les différentes salles du musée, le visiteur est immédiatement saisi par la pluralité des thèmes: si les oeuvres sont effectivement réparties en fonction de catégories rappelant le titre de l’exposition, impossible de ne pas y voir un gigantesque maelström culturel, artistique et social. Ici, l’iconographie religieuse dispute la place à des toiles représentant non seulement les dirigeants de droit divin, mais aussi de riches marchands, représentants d’une classe sociale toujours plus assoiffée de pouvoir et de représentativité.
Là, la nature en mouvement se marie à un retour de la mythologie antique, symbole d’une renaissance qui balaie alors l’Europe.
Devant plus d’une centaine d’oeuvres, impossible de ne pas s’extasier. Difficile à croire, en regardant ici un Bosch, là des portraits si détaillés que l’on dirait des photographies, ou encore des effets de transparence dans certains vêtements et accessoires portés par les sujets des peintures, que nous observons des toiles d’il y a parfois un demi millénaire. Quelles couleurs! Quelle netteté! Quels détails! Quelle précision!
Bien entendu, il est possible d’arguer que cette sophistication, cet avancement de l’art visuel dans cette région, à cette époque, s’est en partie réalisé sur le dos de populations étrangères, dont le fruit du labeur était dérobé par des puissances coloniales. Tout cela est vrai.
Ceci étant dit, il est clair que cet âge d’or de l’Europe a mené à la création de certains des plus grands chefs-d’oeuvre de l’art occidental. En fait, on peut se demander si une telle beauté a été surpassée, depuis.
Chapeau, d’ailleurs, à l’équipe du musée, qui a su savamment agencer les différentes pièces pour témoigner non seulement des thèmes abordés, mais aussi pour montrer l’évolution de la mentalité et des moeurs, à travers ces trois siècles. N’y a-t-il d’ailleurs pas comme une petite odeur de fin de règne, vers la fin de l’exposition, alors que l’on nous présente des toiles représentant… des riches, dans leur demeure, en train de présenter leur propre collection de peintures?
On ressortira de Vice, vertu, désir, folie en se disant qu’on vient certainement de naviguer à travers un univers artistique exceptionnel, un aperçu de l’opulence et du faste de la société européenne, au cours de trois siècles de profondes transformations de l’Occident. Une exposition à voir. Impérativement.