Comment rajeunir un bâtiment vieux d’un quart de millénaire… et qui remplaçait un immeuble construit au début de la fondation de Montréal? À l’occasion de son 250e anniversaire, la chapelle Notre-Dame-de-Bonsecours, située à côté du marché du même nom, rue Saint-Paul, à Montréal, a décidé de se décliner en 14 oeuvres éclatées, dans le cadre de l’exposition Deux Cinq Zéro. Histoire de montrer que toutes ces années plus tard, ce lieu est toujours aussi pertinent, au sein de la métropole.
Par un avant-midi aussi beau qu’humide, l’équipe du musée Marguerite-Bourgeoys en est aux derniers préparatifs, avant le vernissage prévu mercredi soir. Ici et là, on doit encore terminer des installations, ramasser des outils, mais dans l’ensemble, tout est prêt pour cette nouvelle exposition.
Comme le rappelle le directeur du site, Jean-François Royal, la chapelle, construite peu de temps après la fondation de Montréal, « a été incendiée en 1754… c’était une perte totale; elle a été reconstruite entre 1771 et 1773 ».
« Dans le cadre des festivités du 250e (de la reconstruction), on a décidé de lancer cette exposition, où on a demandé à 14 artistes actuels de réinterpréter la chapelle et de se laisser émouvoir par celle-ci », a-t-il ajouté.
« La chapelle a été maintes fois photographiée et peinte par différents artistes… Nous étions curieux de voir le regard des artistes, aujourd’hui, sur le bâtiment. On a contacté 14 artistes… et les 14 premiers on dit oui! »
Une fois contactés, les artistes effectuaient une visite des lieux, a poursuivi M. Royal. Pour la majorité d’entre eux, d’ailleurs, il s’agissait d’un premier passage sur le site. « On leur parlait de l’histoire de la chapelle, de l’histoire de Marguerite… c’était une visite d’une heure et demie, deux heures, puis ils repartaient chez eux », a encore mentionné Jean-François Royal. Et par la suite, les créateurs avaient carte blanche pour exprimer leur vision.
Qu’il s’agisse de rendre hommage à Marguerite Bourgeoys, débarquée en Nouvelle-France en 1653, 21 ans après la fondation de Montréal, et qui y deviendra la première enseignante, en plus de se battre jusqu’à sa mort pour y développer l’éducation, de représenter la chapelle comme telle, ou de mélanger le tout en y injectant aussi une dose de l’histoire et de l’architecture de la métropole, les artistes invités à participer à l’exposition ont multiplié les approches.
Peinture, dessin, photographie, collage, sculpture, tissage, crochet… Chaque créateur a choisi son angle particulier, sa méthode de travail et son ou ses matériaux pour donner vie à sa façon de voir les choses.
Les oeuvres vont d’ailleurs du très concret, comme ces photos d’une partie de la chapelle située haut dans les airs, au plus abstrait, notamment la toute première oeuvre présentée au public, où sept cubes courbés représentent Marguerite Bourgeoys et ses voyages. Ou même ces magnifiques oeuvres tissées évoquant à la fois des objets liturgiques et… du dessert.
Une cohabitation progressiste
Existe-t-il d’ailleurs une friction entre cette vision résolument moderne et contemporaine de l’histoire architecturale et religieuse de Montréal, et les symboles catholiques toujours bien présents? « Absolument pas », répond Jean-François Royal.
« Nous avons 300 000 visiteurs, chaque année, qui rentrent dans la chapelle, soit pour des visites historiques, mais aussi beaucoup de pèlerins – le site accueille le tombeau de Sainte Marguerite, après tout. La cohabitation se fait vraiment très bien. Nous n’avons pas une activité religieuse très intense; nous avons deux messes par semaine. Et on aura les grandes messes… Noël, Pâques, etc. », a-t-il rappelé.
Toujours au dire de M. Royal, « le lieu appartient à la Congrégation Notre-Dame; elles (les soeurs, NDLR) ont mis en place une corporation qui gère le lieu, et elles font preuve d’une ouverture d’esprit qui est parfois désarmante. Je sais qu’elles ont hâte de voir l’ouverture de l’exposition. Elles vont tripper! ».
Et si l’équipe du musée espère bien entendu attirer les curieux et les passionnés d’art et d’histoire en ses murs, pour admirer les oeuvres, M. Royal confie que l’institution ne vise pas nécessairement à gonfler fortement ses chiffres d’achalandage. « En fait, avec 300 000 personnes par an, cela fait environ 2800 personnes par jour qui entrent chez nous. C’est déjà un bon nombre pour notre équipe! », lance-t-il en riant.
Ancrée le passé, la chapelle Notre-Dame-de-Bonsecours est aussi résolument tournée vers l’avenir, comme le démontrent l’audace et la diversité présentes dans cette nouvelle exposition. À voir.