Des chercheurs utilisant le télescope spatial James Webb pourraient avoir détecté une atmosphère entourant 55 Cancri e, une exoplanète rocheuse située à 41 années-lumière de la Terre. Il s’agit de la preuve la plus solide, jusqu’à présent, de l’existence d’un monde rocheux doté d’une atmosphère, et situé à l’extérieur de notre système solaire.
55 Cancri e est l’une des cinq planètes détectées jusqu’à présent autour d’une étoile ressemblant à notre Soleil, dans la constellation du Cancer. Avec un diamètre représentant près du double de celui de notre planète et une densité un peu importante que celle de la Terre, cette exoplanète est classée comme étant une « super Terre »: plus petite que notre planète, moins grosse que Neptune, et avec une composition similaire à celle des mondes rocheux de notre propre système solaire.
Les résultats des observations ont été publiés dans Nature.
Selon l’un des coauteurs de l’étude, Brice-Olivier Demory, de l’Université de Berne, « 55 Crancri e est l’une des exoplanètes les plus énigmatiques. Malgré de longues périodes d’observation, le tout effectué une dizaine d’emplacements au sol et dans l’espace au cours de la dernière décennie, la nature même de ce monde a continué de nous échapper. Du moins, jusqu’à aujourd’hui, alors que des pièces du casse-tête ont finalement pu être assemblées à l’aide du télescope spatial James Webb ».
De façon inattendue, ces observations démontrent qu’il pourrait être possible qu’une planète rocheuse très chaude et grandement irradiée maintienne une atmosphère gazeuse, et cela augure également bien pour les capacités du télescope en matière de caractérisation des planètes rocheuses plus froides – et donc potentiellement habitables – qui orbitent autour d’étoiles semblables à notre Soleil.
« Le télescope James Webb repousse vraiment les limites de la détection d’exoplanètes rocheuses. C’est vraiment un nouveau genre de science », estime pour sa part Renyu Hu, du Jet Propulsion Laboratory de la NASA, qui a dirigé l’étude.
Une super Terre super chaude
Bien que la composition de 55 Cancri e soit similaire à celle des mondes rocheux de notre système solaire, la décrire comme « rocheuse » pourrait donner la mauvaise impression. Cette exoplanète orbite en fait si près de son étoile – une année y dure à peine 18 de nos heures, contre 365 jours ici – que sa surface est forcément fondue, et risque d’avoir des allures de profond océan de magma en ébullition.
Avec une telle orbite si serrée, il est fort probable que la planète soit aussi « verrouillée » par la gravité de l’étoile, c’est-à-dire qu’elle ne pivote plus sur elle-même, son côté diurne étant constamment exposé face à son soleil, alors que son côté nocturne est plongé dans une nuit éternelle.
« La planète est si chaude qu’une partie de sa roche en fusion pourrait s’évaporer », explique M. Hu.
Bien que James Webb ne puisse pas photographier 55 Cancri e directement, l’appareil peut mesurer des changements subtils dans la lumière du système solaire, pendant que la planète orbite autour de son étoile.
La première indication voulant que cette exoplanète puisse posséder une atmosphère substantielle est venue de mesures de la température, en fonction de ses émissions thermiques, soit l’énergie dégagée sous forme de lumière infrarouge. Si la planète est couverte de roche sombre fondue, avec une mince couche de pierre vaporisée, ou carrément sans atmosphère, le côté diurne devrait se trouver à une température d’environ 2200 degrés Celsius.
« Les données indiquent une température relativement basse d’environ 1500 degrés Celsius », a poursuivi M. Hu. « C’est une forte indication que l’énergie est distribuée du côté diurne vers le côté nocturne, probablement à l’aide une atmosphère riche en composantes volatiles. »
Si les courants de lave peuvent transporter une partie de la chaleur vers le côté nocturne, cela n’est pas assez efficace pour expliquer cet effet de refroidissement. En fait, écrivent les chercheurs, le côté diurne semble « trop froid » de plusieurs centaines de degrés, même si la chaleur est répartie équitablement sur l’ensemble de la planète. Cela s’explique si une partie de la lumière infrarouge émise par la surface est absorbée par l’atmosphère, et n’atteint donc jamais le télescope.
Une atmosphère alimentée par les gaz
L’équipe de recherche croit que les gaz qui enveloppent 55 Cancri e proviennent de l’intérieur de la planète; après tout, juge-t-on, l’atmosphère principale serait disparue depuis longtemps en raison des températures élevées et l’intense radiation en provenant de l’étoile.
Il s’agirait donc d’une atmosphère secondaire qui est continuellement renouvelée par l’océan de magma riche en gaz.
Au dire des scientifiques, si 55 Cancri e est bien trop chaude pour être habitable, elle pourrait offrir une opportunité unique d’étudier les interactions entre l’atmosphère, la surface et l’intérieur des planètes rocheuses, et fournir ainsi des informations sur les débuts de la Terre, de Vénus et de Mars, qui auraient toutes été recouvertes de magma, par le passé.
« Ultimement, nous voulons comprendre les conditions qui permettent à une planète rocheuse de conserver une atmosphère riche en gaz, c’est-à-dire un ingrédient clé pour l’existence d’une planète habitable », soutient M. Hu.