Au plus fort de la pandémie de COVID-19, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a été vivement critiquée pour sa réticence à reconnaître la transmission par voie aérienne du virus. Une nouvelle terminologie corrige maintenant cette erreur. L’objectif : éviter toute confusion à l’avenir.
Le 18 avril, l’OMS a en effet publié un rapport de consultation technique mondiale afin d’actualiser la terminologie sur les pathogènes se transmettant « dans l’air ». Il s’agit du fruit d’une vaste discussion avec plus d’une centaine d’experts et quatre agences de santé publique.
Le rapport s’intéresse aux micro-organismes causant des infections respiratoires, peut-on lire dans le communiqué de l’OMS. Selon la nouvelle terminologie, les individus infectés par un pathogène respiratoire peuvent générer et expulser par leur bouche et leur nez des particules infectieuses. La taille de ces particules peut varier et il n’existe donc plus de distinctions entre aérosols et gouttelettes — une distinction qui, en 2020 et 2021, avait fait partie des controverses: où commence une catégorie et où finit l’autre?
Au sein des pathogènes se transmettant par voie aérienne, la transmission peut se faire soit par inhalation (les particules infectieuses se déplacent sur de courtes ou de grandes distances dans les airs et pénètrent dans les voies respiratoires), soit par dépôt direct (la particule expulsée dans les airs se dépose directement sur le nez, la bouche ou les yeux, et provoque ensuite une infection).
Une terminologie plus près de la réalité
Dans une enfilade sur X, le professeur Jose Luis Jimenez, de l’Université du Colorado à Boulder, explique qu’au début de la pandémie, plusieurs experts croyaient toujours que la transmission par aérosols se faisait seulement sur de grandes distances, alors que la transmission par gouttelettes se produisait entre des individus à proximité l’un de l’autre. Cette façon de voir la transmission par voie aérienne date des années 1920.
Selon cet expert de la propagation des maladies, la nouvelle terminologie proposée par l’OMS est donc un progrès important. Il salue également le fait que cette nouvelle terminologie reconnaisse que les particules infectieuses ne sont pas produites uniquement lors de la toux ou d’un éternuement, mais aussi pendant la respiration ou durant une conversation.
Interviewée dans la revue Nature, la scientifique spécialisée dans les aérosols Lidia Morawska de l’Université Queensland de technologie à Brisbane, critique toutefois la distinction qui est faite entre la transmission par inhalation et celle par dépôt direct. Selon elle, cette nuance n’est pas justifiée et crée davantage de confusion.
Pas de recommandations concrètes
La revue Nature rappelle que l’OMS n’a pas reconnu l’importance de la transmission par voie aérienne du SARS-CoV-2, le virus responsable de la COVID, avant octobre 2020. De plus, les documents officiels n’ont été corrigés qu’en décembre 2021. Cette absence de consensus sur la transmission du virus a compliqué les communications avec le grand public de même que les interventions pour contrôler sa propagation, admet l’OMS.
En effet, au tout début de la pandémie, les mesures pour contrôler le virus se concentraient sur le nettoyage des surfaces, le lavage des mains et la distanciation sociale, de préférence au port du masque et à l’amélioration de la ventilation. Reconnaître plus tôt la transmission par voie aérienne aurait pu sauver des vies selon certains experts, peut-on lire dans Nature.
L’OMS espère donc que cette nouvelle terminologie permettra de mettre en place de nouvelles interventions de santé publique. Ce qui est d’autant plus important que la prochaine pandémie sera probablement causée par un autre virus respiratoire, selon Julian Tang, un virologiste clinique à l’Université de Leicester au Royaume-Uni. Grâce à la nouvelle terminologie, le port du masque et la ventilation seront probablement envisagés plus rapidement.
Cependant, le professeur Jose Luis Jimenez déplore l’absence de recommandations concrètes concernant la façon de se protéger des virus transmis par voie aérienne. Comme le rappelle le New York Times, l’OMS ne se prononce pas sur les équipements de protection à employer. Par exemple, à partir de quel seuil une maladie devient-elle assez grave pour qu’on recommande des protections comme un masque N95? Selon les experts, il est essentiel de répondre à ce genre de question, puisque certaines organisations multiplient les obstacles à l’utilisation de ces équipements, notamment en raison des coûts et du manque d’acceptabilité par les travailleurs du réseau de la santé.
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