Qui dit Montréal, dit ruelles: qu’elles soient magnifiquement aménagées ou tristement asphaltées, sales et dangereuses, ces allées définissent depuis bien longtemps la vie dans la métropole. Et dans un ouvrage récemment paru chez Parfum d’Encre, la photographe Ariel Tarr et l’autrice Florence Sara G. Ferraris leur rendent magnifiquement hommage.
Peut-on parler d’une ville sans les artères qui lui assurent une autre vie? Une vie un peu cachée, une vie intime, une vie de quartier, une vie ouvrière. La ruelle, surtout dans les quartiers populaires, c’était le lieu des rencontres, des échanges. Le lieu des jeux, aussi, avec ces enfants qui couraient partout.
Et pourrait-on imaginer le Québec ouvrier sans ruelles? La montréalité, cette résilience si particulière, cette capacité d’aller au-delà des obstacles et de faire croître le beau, pourrait-elle exister sans ces espaces à la fois publics et privés? Que serait notre dramaturgie québécoise sans Les Belles-Soeurs, qui se déroulent dans une ruelle? Que serions-nous sans ces brassées voletant au vent, entre un poteau électrique et un vieux rangement en tôle datant du début du 20e siècle?
En mêlant fort habilement leçons d’histoire et superbes clichés, Ruelles est une façon originale et passionnante de raconter la ville, de raconter ses habitants. Ajoutez à cela, justement, des portraits de ceux pour qui les ruelles font partie intégrante de leur existence, que ce soit en aidant à les verdir, en développant une vie de quartier, ou encore en y organisant un festival (rien de moins!), et vous obtenez un la clé permettant de découvrir un univers que nous connaissons déjà tous un peu, mais dont les petits secrets, les atouts, les qualités aussi discrètes qu’essentielles, sont autant d’ajouts nécessaires.
Beau livre que l’on parcourt lentement, images et textes que l’on savoure, à l’instar de ces allées où la vie peut enfin quelque peu ralentir, Ruelles est un ouvrage essentiel pour comprendre la ville par ses petites gens, par ceux et celles, enfants comme adultes, qui font battre son coeur. Un coeur mêlant bitume, brique, mais aussi lueur de fin de journée, odeur de lessive, cris d’enfants et verdure.
Ruelles, d’Ariel Tarr et Florence Sara G. Ferraris, publié chez Parfum d’Encre, 254 pages