L’évolution des relations internationales provoquée par la poursuite de la guerre en Ukraine, et les sanctions économiques qui y sont associées, ont entraîné une transformation majeure du marché international des armements, révèle le plus récent rapport de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI).
Le document en question, publié plus tôt cette semaine, révèle ainsi que les pays européens, sans doute inquiets face à l’envenimement des relations avec la Russie, d’abord, puis confrontés à l’élargissement du conflit armé entre Moscou et Kiev depuis 2022, ont quasiment doublé leurs importations d’armes entre 2014-2018 et 2019-2023, avec une hausse de 94 % pendant cette période.
Cette accélération du développement des arsenaux du Vieux Continent a largement trouvé sa source aux États-Unis, dont les propres exportations d’armes ont augmenté de 17 %, et qui ont fourni plus de la moitié (55 %) des armes achetées par les pays européens.
Au dire du directeur du SIPRI, Dan Smith, « plusieurs facteurs viennent influencer la décision, de la part des membres européens de l’OTAN, d’importer des armes des États-Unis », alors que l’Europe est elle-même un grand exportateur d’armements.
« Parmi ces raisons, on retrouve la volonté de maintenir les relations transatlantiques, en plus de questions plus techniques, notamment liées aux normes militaires et à des impératifs en matière de coûts », a-t-il fait savoir par voie de communiqué.
« Si les relations transatlantiques changent au cours des prochaines années, les politiques d’armement des États européens pourraient aussi se transformer », a poursuivi M. Smith.
Le retour de Donald Trump à la présidence des États-Unis, par exemple, pourrait jeter un froid et forcer un certain découplage en matière de relations entre Washington et l’Europe, y compris en ce qui concerne la standardisation des achats militaires.
Au total, les États-Unis et l’Europe ont représenté 72 % des exportations d’armes pendant la période de 2019 à 2023, soit 10 points de pourcentage de plus qu’entre 2014 et 2018.
Les impacts de la guerre
Sans surprise, l’Ukraine est devenue la première nation importatrice d’armes d’Europe, entre 2018 et 2023, et la quatrième plus importante au monde. Au moins 30 États ont ainsi fourni des armements lourds à ce pays, depuis février 2022 et le début de l’invasion russe.
Ce conflit armé a aussi eu un effet sur les commandes passées par les autres nations européennes, mentionne Pieter Wezeman, principal chercheur au sein du Programme de transfert d’armes du SIPRI.
« Avec plusieurs commandes de systèmes d’armement de grande valeur – y compris près de 800 avions et hélicoptères de combat –, les importations d’armes en Europe devraient demeurer à un niveau élevé », a-t-il mentionné, lui aussi par voie de communiqué.
« Au cours des deux dernières années, nous avons constaté une très forte croissance de la demande pour des systèmes de défense aérienne en Europe, dans la foulée de la campagne de bombardement de l’Ukraine par des missiles russes. »
Cet affrontement entre la Russie et une Ukraine soutenue par les pays de l’OTAN a aussi eu un impact sur les ventes d’armes en provenance de Moscou, mais de façon délétère, cette fois.
Les exportations d’armes russes, indique le rapport, ont ainsi chuté de plus de la moitié (53 %) entre 2014-2018 et 2019-2023.
Ainsi, si « la Russie a exporté des armements vers 31 pays, en 2019, ce nombre est tombé à 12 en 2023 », souligne l’étude.
Et ce sont des pays d’Asie et d’Océanie qui ont reçu plus des deux tiers de ces armes pendant cette période, l’Inde achetant le tiers des exportations russes, contre 21 % pour la Chine.
Toujours des tensions au Moyen-Orient
La situation géopolitique plus que tendue au Moyen-Orient a agi comme accélérateur des importations d’armes dans la région, alors que le tiers des achats ont été effectués par des pays de cette partie du monde.
Ainsi, 30 % des transferts internationaux d’armements étaient destinés à ces nations, en 2019-2023, indique le SIPRI. Trois pays moyen-orientaux, l’Arabie saoudite, le Qatar et l’Égypte, font d’ailleurs partie des 10 plus grands importateurs d’armes pendant cette période.
« Malgré un recul, en général, des importations d’armes au Moyen-Orient, celles-ci demeurent importantes dans certains pays, un phénomène alimenté par des conflits et des tensions régionaux », souligne Zain Hussain, chercheur au SIPRI.
« Les armements lourds importés au cours des 10 dernières années ont largement été employés dans des conflits qui déchirent la région, comme à Gaza, au Liban et au Yémen. Certains États de la région du Golfe ont importé de grandes quantités d’armes pour les utiliser contre les Houthis, au Yémen, et pour contrer l’influence iranienne. »