A comme animal, le premier concept du célèbre abécédaire de Deleuze, est proposé par Marie-Pascale Bélanger dans un spectacle présenté dans le cadre du 19e festival Les Casteliers. Si on n’en ressort pas forcément plus éclairés sur la pensée du philosophe, c’est en tout cas l’occasion de rire, de s’étonner et de s’émouvoir des belles transformations des personnages, de leur habile maniement et de leurs étonnantes transformations.
À table, un verre de vin à la main – Deleuze était surtout fumeur – l’homme aux cheveux rares et à la voix cassée, l’air mélancolique et réfléchi, se prépare à prendre la parole. Il consulte sa montre, essuie ses lunettes et déclare : « Je voudrais poser des questions /…/ Est-ce qu’on a encore quelque chose à se dire? ». Car le philosophe se faisait fort de s’interroger sur des concepts qu’il créait : pomme, animal et tant d’autres. J’ignore s’il s’est interrogé sur l’art des marionnettes.
Le prétexte de l’abécédaire passé, on assiste à un surprenant florilège d’idées, toutes plus extravagantes les unes que les autres, grâce à ce 11e art magique qu’est celui des marionnettes.
Alors que l’homme s’endort après avoir bu du vin et mordu une pomme, une poupée – est-ce la jeune fille qui interrogeait Deleuze quand il s’adonnait à son abécédaire? – se pose effrontément sur la table pour y piller tout ce qui peut lui être utile. Pendant ce temps, l’homme sans doute toujours endormi se met à rêver. Et là, ce sont les images les plus folles qui émergent.
Le spectacle est très imaginatif et parfaitement réalisé grâce au talent de trois marionnettistes. Du protagoniste morcelé qui a du mal à rassembler tous les morceaux de son corps à sa multiplication, en passant par son accouchement de lui-même en miniature, on est épaté par les trouvailles qui toutes suscitent le rire. Quant aux animaux, ils ont une place majeure dans le spectacle. Toute une danse d’espèces de cerfs qui se comportent finalement comme des humains et qui sont guettés par un loup vient alimenter la lettre A de l’abécédaire.
C’était peut-être ainsi que Deleuze réfléchissait, en dormant et en rêvant, en patinant et en chantant, et en se méfiant des rêves des autres qui ne font que nous enfermer au lieu de nous permettre de libérer nos idées.
A comme animal
Mise en scène, scénographie, masques et marionnettes : Marie-Pascale Bélanger
Texte : Marie-Pascale Bélanger, inspirée des conférences de Gilles Deleuze
Musique : Rodrigo Rojas
Éclairage : Julie Charette
Interprétation : Marie-Pascale Bélanger, Marika Karlsson et Elinor Fueter
Regard extérieur : Catherine Tardif
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