Depuis leurs débuts en 1993, la danseuse espagnole Soledad Barrio et les huit artistes au chant, à la guitare et à la danse de la compagnie Noche Flamenca forment une communauté virtuose à part. Son directeur artistique, Martín Santangelo, et sa complice de cœur comme de scène Soledad Barrio, dévoilent les dessous de la plus récente création, présentée en primeur canadienne au Théâtre Maisonneuve, le 18 janvier.
Rencontrer Goya comme soi-même
Le détonateur de création de Searching For Goya s’est actionné durant la pandémie. Martín expérimente un sentiment d’exaltation, une apothéose lors d’une exposition sur l’immense artiste espagnol peintre graveur Francisco José de Goya y Lucientes (1746-1828).
Durant trois ans, le co-fondateur de la compagnie approfondit ses connaissances, investiguant sur l’homme. Il absorbe ses œuvres originales, en compagnie de Mark McDonald, conservateur du Metropolitan Museum of Art de New York, et compile son art, allant jusqu’à voyager comme un pèlerin dans les lieux de son passage terrestre.
Il réalise ainsi qui il était, le génie de son art, sa technique et, surtout, comment Goya a su révéler la condition humaine tel un miroir. Sa générosité à dépeindre ses semblables épate le directeur artistique. « Goya crée du sens à l’existence humaine dans son universalité. Peu d’artistes ont atteint ce niveau de sémantique, une profondeur à traduire la vie ».
Dans l’esprit et la sensibilité de la danseuse Soledad Barrio, Goya occupe une place déterminante dans la conception même du flamenco. Forme d’expression provenant des minorités, vecteur de l’expérience humaine brute, dans sa beauté comme dans sa noirceur, elle lie la démarche de Goya à la célébration populaire de cette tradition dansée et chantée.
Searching For Goya est tout tracé : incarner Goya, le mettre en vie par le flamenco, art suprême de la profondeur humaine. Auteur de scènes de l’existence humaine, en pleine lumière comme dans la pénombre des épisodes sanglants napoléoniens, ce maître du siècle des Lumières comme du 19e siècle se hissera jusqu’à la cour royale. Un passage de sa condition modeste aux plus grands de son époque qui émeut la danseuse, co-fondatrice de Noche Flamenca.
Flamenco, amplificateur de Goya
Plutôt que de recréer le répertoire artistique de Goya sur scène, Noche Flamenca offre des scènes théâtrales puissantes et poétiques par une voie organique, explique le directeur artistique. L’idée ne consiste pas à recréer les œuvres, ni à approcher l’art de Goya par l’image, explique Santangelo, mais leur sens par l’amplification de la guitare, de la danse et du chant flamenco. C’est ainsi que naissent Lluvia de Toros, El Parasol, La Puerta Luminosa et les autres tableaux de Searching For Goya.
Dans ce tableau vivant et frénétique, chaque artiste dévoué au flamenco trouve son espace d’expression. Soledad Barrio confirme que cette mise en lumière tient ses origines de la souche populaire du flamenco, de l’inclusion.
« Pour être en contact avec le peuple, le flamenco lui a toujours tendu les bras. Ainsi le chant et la guitare échappent à l’ombre, car ce sont les racines respectées de cet art, sa forme de communication. Tout est connecté, avec la danse », dit-elle.
Danseuse remarquable, Barrio insiste pour évoquer sa forme d’intégration à Noche Flamenca. Un instict venant de sa culture espagnole, de sa personnalité. Revenant sur Goya, elle voit en lui l’Espagne toute entière. Elle admire son ascension, d’une famille modeste à artiste de la cour. Tout comme Goya et sa part obscure, le flamenco transpose toutes les intensités. Le directeur artistique ajoute que la danseuse sait incarner toute la gamme des émotions fortes dont l’hilarité. Elle reflète un narratif de l’humanité.
À quelques semaines de leur première canadienne à Montréal au Théâtre Maisonneuve, l’excitation bout entre les deux piliers de la compagnie. À chaque performance, Soledad Barrio trouve sur la scène son repère avec le public, sa famille. C’est à lui qu’elle doit sa mise au monde artistique.
« Lorsque je danse, je me transforme en une artiste. L’art est une nécessité pour me révéler à moi-même… », souligne-t-elle avec sensibilité.
L’excitation d’être à la Place-des-Arts aux côtés de sa confrérie flamenca et de son mari Martín devient réalité, après plusieurs démarches initiées par les Productions Nuits d’Afrique avec laquelle Noche Flamenca a noué une relation fraternelle au fil des années.
La prestation unique de Searching For Goya réserve une expérience digne des scènes new-yorkaises que la compagnie connaît bien. « Il faut venir à notre rencontre, au nom de la passion de vivre, de la compassion et de l’humanité, conclut Santangelo. »
Soledad Barrio & Noche Flamenca – Searching For Goya
Le 18 janvier 2024, au Théâtre Maisonneuve
Un commentaire
Bravo Hélène très bonne article beaucoup de travail pour le tout de cette belle article TU peut être fière de toi