C’est à une soirée bien remplie que l’Ensemble I Musici de Montréal conviait les mélomanes, le 7 décembre dernier, à la Salle Pierre-Mercure. Intitulé Tango au max!, le programme a débuté avec plusieurs extraits de Carlos Gardel : Dialogue avec le roi du Tango, un œuvre qui roule sa bosse depuis quelques années déjà. En formation réduite, l’orchestre accompagne alors le baryton Pierre Rancourt qui, dialogue oblige, s’adresse au célèbre artiste, mais, bien sûr, sans jamais recevoir de réponse. Qu’à cela ne tienne: Rancourt rend un magnifique hommage au chanteur, au compositeur, à l’acteur, à l’immense artiste que fut Gardel.
Pour soutenir le propos, des extraits d’archives sont projetés à l’écran qui est situé sur la scène, à hauteur d’homme. Les images contiennent parfois du texte qu’il peut être difficile de lire quand le chanteur se trouve entre le spectateur et l’écran. Outre le fait que certains extraits de films, dans lesquels Gardel tenait la vedette étaient trop longs, la scénographie s’est révélée sobre et efficace.
Il faut absolument s’attarder à la prestation, que dis-je, à la performance de Pierre Rancourt, qui est parfaitement à l’aise dans son rôle d’admirateur du Roi du tango. Il lui parle comme à un ami, un frère et il chante ses succès avec un talent parfait. Tout est juste, tout est facile, tout est beau. Il se permet même d’empoigner sa guitare et d’entonner un charmant duo avec Julie Triquet, violon solo.
Quand on sait qu’il a chanté de nombreux rôles à l’opéra et offert des récitals solos de musique classique, on ne peut qu’apprécier la variété de ton talent. Rancourt a fait le choix de ne pas tenter d’imiter Carlos Gardel et c’est un excellent choix. D’ailleurs, à mon avis, la seule faiblesse du Dialogue, c’est lorsque Rancourt chante par-dessus un enregistrement du maître. Dans ce cas précis, le tout valait moins que la somme des parties.
Après l’entracte, encore une œuvre de Gardel, Por una cabeza, mais accompagnée cette fois d’un couple de danseurs de tango qui reviendra aussi dans une œuvre de Piazzolla. Il eut mieux valu qu’ils restent à la maison : c’eut été moins gênant pour tout le monde. Le tango est une danse de passion, d’affrontement, d’intensité. De tout cela, il n’y avait rien. Une interprétation mécanique, et un choix de costume peu pertinent (à la limite du vulgaire) ont démontré un niveau de professionnalisme tellement inférieur à celui de l’orchestre que, je le redis, c’en était gênant.
Heureusement que le chef invité, Simon Rivard, et les musiciens ne se sont pas laissé distraire par ce troublant spectacle et ont livré, comme à l’habitude, une solide performance. Rivard a un style de direction bien à lui et il est intéressant de voir tout ce qu’il arrive à communiquer à l’orchestre avec, parfois, seulement le mouvement d’un ou deux doigts.
Par ailleurs, si l’archet magique de Julie Triquet était bien au rendez-vous, mentionnons aussi la généreuse et bien sentie prestation de Jonathan Goldman, au bandonéon. Il avait l’air très content d’être là, mais nous l’étions peut-être davantage que lui. Aussi à l’aise dans la brusquerie et la rage de certaines pièces de Piazzolla plus révoltés que dans la délicate sensualité des pièces plus douces, il a fait le bonheur des spectateurs.
Pour conclure cette soirée bien remplie, I Musici a interprété le Medley de Noël pour I Musici, dans un arrangement de François Vallières : 10 minutes de joie et de nostalgie bien appréciées du public.