La même semaine où on apprenait que le président de la COP28 avait prétendu que de réduire les gaz à effet de serre nous ramènerait à l’âge des cavernes, les derniers chiffres révélaient que les émissions mondiales de CO2 atteindront un niveau record en 2023.
Le Global Carbon Budget, un rapport publié annuellement depuis 18 ans, estime que les émissions globales seront de 36,8 milliards de tonnes métriques à la fin de l’année — soit une hausse de 1,1 % par rapport à 2022. Le rapport, signé par 120 scientifiques de plus de 90 institutions, a été publié le 5 décembre.
Si on compare aux années 2000, il y a certes un ralentissement de la croissance des émissions causées par le charbon, le pétrole et le gaz: il est même visible à l’oeil nu sur les graphiques. Mais ça reste néanmoins une croissance, qui s’était interrompue pendant la pandémie (2020 et 2021) avant de reprendre en 2022.
Le président de la COP28 a également prétendu qu’il n’y avait « pas de science » pour indiquer qu’une sortie des carburants fossiles permettrait de limiter le réchauffement à 1,5 degré. Rappelons que le président de la COP28 se trouve aussi à être le président de la compagnie pétrolière nationale des Émirats arabes unis.
Pourtant, le portrait n’est pas entièrement négatif, lit-on dans le rapport du 5 décembre. Les émissions de CO2 associées aux carburants fossiles ont diminué dans 18 pays pendant la décennie 2013-2022. Par rapport à l’an dernier, ce sont 26 pays où ces émissions ont diminué. Une diminution de 7,4% en Europe et de 3% aux États-Unis.
À l’inverse, les deux pays à qui on doit le plus gros de la hausse sont la Chine (4%) et l’Inde (7,4%). L’Inde, parce que la demande en énergie croît plus vite que la capacité des énergies renouvelables. Et la Chine, parce qu’elle « récupérait » de ses deux années de restrictions liées à la COVID. S’il n’y avait pas de nouvelle hausse en Chine l’an prochain, le total mondial atteindrait un plateau, précise le communiqué du consortium de chercheurs.
On dit « émissions associées aux carburants fossiles », parce qu’il existe aussi, en plus, une catégorie d’émissions de gaz à effet de serre liées à la déforestation et autres changements dans l’usage des terres. Or, celles-là ont légèrement diminué par rapport à 2022.
Tous ces chiffres expliquent la grande difficulté à s’entendre sur les mots à utiliser dans le texte qui sera publié au terme de la COP28 —sauf imprévu, le 12 décembre. Un texte pour lequel il faut un consensus de tous les pays. Ainsi, alors que plusieurs États aimeraient qu’on parle dans ce texte d’une cible de « sortie » (phase out) des carburants fossiles, une poignée de gros producteurs, notablement la Russie et l’Arabie saoudite, se sont historiquement opposés à cette formulation. Une alternative qui circulait au début de la semaine était d’écrire « sortie ordonnée et juste des énergies fossiles », ce qui supposerait un échéancier différent pour chaque pays. Mais même cette formulation pourrait ne pas satisfaire l’Arabie saoudite, qui est l’un des pays à avoir bloqué pendant des années, jusqu’en 2021, la simple mention de l’expression « carburants fossiles » dans les différents textes.
C’est aussi dans ce contexte d’une augmentation qui ne s’est pas (encore) interrompue, que les calculs placent au début des années 2030 l’atteinte du seuil de 1,5 degré Celsius de plus qu’avant la révolution industrielle. Si la tendance se maintient, précise le Global Carbon Budget, le « budget » nécessaire pour éviter de dépasser 1,7 degré sera lui aussi dépassé dans 15 ans.
Pour donner un ordre de grandeur : atteindre la carboneutralité en 2050 nécessiterait de couper les émissions de CO2 mondiales du même niveau que ce qu’on avait observé pendant le grand confinement de 2020 — et ce, chaque année.