Le festival Image+Nation renouvèle son partenariat avec l’Istituto Italiano di Cultura di Montreal et présente Stranizza d’amuri (titre traduit et transformé plutôt simplement par Fireworks pour le marché international) qui s’inspire librement d’un meurtre sordide des années 80 qui a secoué un petit village de la Sicile en Italie. S’il aimerait bien être une œuvre bouleversante à la Call Me By Your Name et ses semblables, disons qu’il y arrive à moitié, à défaut d’être original.
Film déjà hanté par une poursuite pour plagiat par l’auteur Valerio la Martire – qui a écrit il y a une décennie le roman Stranizza (tiens, tiens), et qui a été approché pour le film, puisqu’on s’intéressait au même sujet, avant d’être écarté sous prétexte que finalement, on s’en éloignerait –, on ne peut cacher le certain élan d’opportunisme qui envahit la première réalisation de l’acteur italien Giuseppe Fiorello.
Il y a le sujet, oui. Il y a la passion, également. Il y a cette histoire bouleversante, enrageante et rassembleuse qui permet au film de courir les festivals. Le film a après tout engrangé des sommes significatives au box-office italien. Et on ne peut pas dire qu’il s’agit d’un projet de cœur pour son acteur hétérosexuel devenu scénariste et réalisateur pour l’occasion, puisqu’il ne vient pas non plus de la ville de Giarre, lieu où s’est déroulée la tragédie qui sert d’inspiration au long-métrage.
Le cynisme mis de côté, toutefois, on doit quand même à l’ensemble des qualités cinématographiques non négligeables.
On savoure la manière de Fiorello de bien placer ses pions et de donner véritablement l’impression d’assister à une tranche de vie italienne. Le naturel désarmant des situations et des acteurs qui semblent s’abandonner dans l’espace-temps du cadre de la caméra qui les captent au passage est souvent bluffant.
Certes, le jeu est parfois inégal et certains passages semblent plus plaqués, mais le réalisme est souvent de mise et cette chronique joue admirablement bien la bulle temporelle d’une époque révolue. Les motos, les pâtes, le soccer, le soleil, la chaleur, le café du coin, tout y est.
Mieux encore, on aime l’ingéniosité et l’intuitivité du montage (Federica Forcesi a travaillé à quelques reprises avec nul autre que Paolo Sorrentino), principalement dans toute son impressionnante séquence d’ouverture qui met la table sur deux univers qui vont entrer en collision, littéralement.
De fait, si l’intolérance est montrée assez rapidement et que l’histoire d’amour sera inévitable, on ne cherche pas entièrement à en faire le point d’intérêt principal du long-métrage. Au contraire, on développe les personnages, les familles, les habitants du village et de la campagne, les mœurs et tout le reste. On porte aussi un soin considérable pour bien développer l’époque et ce qui s’y relie pour que soit encore mieux mise en contexte l’ostracisation qui s’opérera lorsque l’amour frappera pour de vrai et pour de bon.
Chapeau à la chimie essentielle, mais grandement réussie, entre les jeunes Samuele Segreto et Gabriele Pizzurro dans les rôles principaux, le premier d’une beauté idyllique naturelle s’en tirant avec légèrement plus de succès, compte tenu d’une partition un brin plus complexe à jouer. Bravo aussi à Simona Malato et Fabrizia Sacchi qui s’acquittent du rôle des mères avec perfection, même si on aurait mérité de les travailler davantage pour ajouter à la profondeur de l’ensemble.
Une oeuvre tiraillée
Puisque voilà, bien que le film soit souvent bien fait, il n’en demeure pas moins que son classicisme le rattrape régulièrement et vient contredire son désir évident d’impact qui aimerait ô combien marquer les esprits de manière indélébile. D’autant plus que rien ne semble justifier le fait que ce film dure plus de deux heures.
Ainsi, les images de Ramiro Civita sont capables du pire et du meilleur (certains plans sont d’une beauté et d’une poésie absolue, notamment dans sa manière de filmer les feux d’artifice, alors que d’autres font grincer des dents, les plans aquatiques pour ne nommer que ceux-là). Il y aussi ce désir d’imaginer ce qui aurait mené à une histoire véritable et connue tout en cherchant à garder sa conclusion comme d’une surprise qui ne fonctionne pas vraiment.
Un peu comme si on n’assumait jamais entièrement que c’était une fiction, mais jamais complètement non plus le fait qu’il s’agissait d’une histoire vraie; en résulte une finale qui n’est jamais véritablement construite pour avoir l’impact voulu.
Stranizza d’amuri est donc un film important, puisqu’il met en lumière un crime haineux et une réalité qui devrait être abolie à tout jamais. On regrette seulement qu’on ne va pas au fond de toutes les idées de l’oeuvre et qu’on montre une gêne qui vient contredire les propos du film pour en faire ressortir un long-métrage un peu conçu pour plaire, plutôt que satisfaire.
7/10
Stranizza d’amuri (Fireworks) n’a pas de distributeur au Québec et n’a donc pas de sortie prochaine de prévue. Il est toutefois disponible en ligne jusqu’à la fin du festival Image+Nation prévue le 26 novembre prochain au coût de 10$.
Mise à jour: la disponibilité du titre en ligne a été prolongée jusqu’au 3 décembre.