Les rencontres de la COP, à propos des enjeux climatiques mondiaux, sont organisées de façon à avantager les pays les plus grands et les plus riches, aux dépens des nations plus petites et plus pauvres, selon une nouvelle étude des Universités de Lund et Leeds.
Les auteurs de ces travaux viennent aussi catégoriser les pays participants à ces grands-messes comme étant des radicaux, des opportunistes, des hypocrites ou des évasifs.
Chaque année, rappellent les chercheurs, les Nations unies organisent leur Conférence des parties sur les changements climatiques, ou « COP », dans l’objectif de provoquer des gestes pour combattre la crise climatique et soutenir les populations vulnérables face aux transformations planétaires.
« Notre analyse démontre clairement que certains groupes ne sont pas entendus, ou représentés. La structure même des COP fait en sorte qu’il est quasiment impossible, pour de petits pays, de faire connaître leurs intérêts puisqu’ils ne peuvent pas participer aux négociations parallèles », soutient Lina Lefstaud, étudiante au doctorat de l’Université Lund, et principale autrice de l’étude.
Les travaux, publiés dans Critical Policy Studies, sont basés sur une analyse de 15 COPs précédentes. Celle-ci démontre que les pays détenant plus de pouvoir économique disposaient d’une plus grande influence sur le processus de négociation, comparativement aux pays plus pauvres, souvent plus petits, ou encore moins développés.
Au dire des auteurs, ce pouvoir se matérialise de différentes façons.
Tout d’abord, plus un pays est riche, plus il peut envoyer de délégués à la COP, ce qui veut dire qu’il peut être plus actif dans les sessions de négociation en parallèle. Lors de la COP15 au Danemark, en 2009, la Chine a envoyé 233 délégués, comparativement aux sept délégués d’Haïti, ou aux trois délégués du Tchad.
« L’ONU devrait au moins imposer une limite au nombre de délégués qu’un pays ou une organisation peut envoyer. C’est seulement en changeant la structure pour permettre que l’on entende la majorité des voix que les négociations peuvent devenir véritablement justes », soutient Mme Lefstad.
Celle-ci souligne par ailleurs que le nombre de délégués dépêchés par l’industrie des combustibles fossiles augmente d’année en année, avec 636 représentants présents lors de la COP27, cette année en Égypte. Par opposition, les représentants de la société civile et des groupes autochtones ne sont pas aussi nombreux, ce qui signifie qu’ils ont moins d’opportunités pour créer des liens et présenter leur point de vue. Cela a des ramifications sur les perspectives qui sont entendues, lors des COPs, affirme-t-on.
Partenariats stratégiques et influence
« Si l’industrie des combustibles fossiles et la société civile n’ont toutes deux pas de droit de vote à la COP, il n’en demeure pas moins que cela représente un problème important. Les compagnies pétrolières et gazières développent de puissants partenariats avec les pays producteurs et les lobbys, avec comme objectif de bloquer des décisions qui, par exemple, feraient peu à peu disparaître les énergies fossiles », indique Jouni Paavola, coauteur de l’étude et professeur de sciences sociales environnementales à l’Université de Leeds.
L’étude se penche aussi sur la façon dont différents pays et regroupement de nations et d’organisations définissent la justice climatique pour défendre leurs propres objectifs stratégiques. Les auteurs ont ainsi identifié quatre groupes de pays, soit les radicaux, les opportunistes, les hypocrites et les évasifs.
Si les radicaux, comme de petites nations insulaires et les membres de la société civile, réclament de nouveaux mécanismes de lutte contre les effets de la crise climatique, les opportunistes, comme l’Arabie saoudite et l’Inde, articulent la justice climatique autour de la notion de responsabilité historique et réclament un droit au développement économique.
Les hypocrites, dont font partie l’Union européenne, le Canada et la Norvège, reconnaissent leur contribution à la crise climatique, mais n’ont, jusqu’à maintenant, accompli que peu de choses pour respecter leurs promesses.
Enfin, les évasifs visent à bloquer les réclamations en faveur de la justice climatique présentées par d’autres nations, considèrent la notion d’équité comme étant trop prescriptive, et regroupent des pays comme les États-Unis et la Russie.
« Cette séparation des pays révèle que la notion de justice climatique est utilisée de façon très stratégique pour que les pays atteignent leurs propres objectifs. À moins que les Nations unies ne développent une réponse faisant consensus pour aider ceux qui souffrent le plus des changements climatiques, la justice climatique continuera de servir d’outil de négociation, contrairement au fait de provoquer de véritables changements », accuse Mme Lefstad.