Sous ses airs de mignon téléfilm à saveur inspirante réunissant une distribution de qualité, le long-métrage Marinette, présenté en ouverture du festival Image+Nation, cache un film nécessaire sur la condition des femmes dans le sport.
Les biopics, les faits vécus, ont toujours eu la cote. Il n’y a rien de plus rassembleur que de ressentir une grande gamme d’émotions via le parcours d’un ou d’une autre. C’est d’ailleurs ce qui a motivé la réalisatrice Virginie Verrier pour son deuxième long-métrage : raconter une histoire vraie, idéalement dans le monde sportif, un autre genre cinématographique très populaire. Ne connaissant pas du tout l’impressionnante carrière professionnelle de Marinette Pichon ni même qui elle était, elle y a vu une grande opportunité de faire connaître sa vie aux yeux de tous, mais aussi d’être, selon sa propre affirmation, la première réalisatrice à réaliser un film sur une athlète féminine.
Avec l’adaptation de son autobiographie Ne jamais rien lâcher, Marinette Pichon a eu le grand plaisir de travailler en étroite collaboration avec la cinéaste sur le film pour s’assurer que le tout soit le plus représentatif et le plus près de la réalité possible. Habitant désormais à Montréal, à la veille d’obtenir sa citoyenneté canadienne, elle a déclaré qu’il était rare qu’on respecte autant les faits et qu’elle avait cette grande chance que le film sur sa vie soit exactement comme l’a vécu.
C’est peut-être d’ailleurs ironiquement l’un des plus grands problèmes du film : son manque de cinéma. En tenant à ce point à s’en tenir aux moments clés, on y voit plutôt défiler une liste à cocher d’événements importants dans la vie de l’héroïne, mais sous une approche de reconstitution plus ou moins soignée, comme on a voulu emprunter la voie de la fiction plutôt que du documentaire.
D’ordre général, la construction d’un bon scénario repose sur ses ressorts dramatiques qui peuvent à l’occasion être trop appuyés (ici, ce sont plutôt les dialogues qui le sont). Dans certains cas, cela demande de jouer un peu sur la réalité (on pense au récent et mésestimé Gran Turismo) et dans d’autres, d’amplifier certains éléments pour en faire une grande expérience cinématographique (les exemples sont nombreux, de Moneyball à King Richard). Si la vie de Pichon impressionne d’elle-même et qu’on pourrait croire que de la raconter telle quelle serait suffisant, il manque néanmoins une construction narrative pour donner un sentiment d’avancement.
Le pari de s’arrêter en 2008 (Pichon a d’ailleurs lancé à la blague qu’on pourrait aisément faire une suite) handicape le film, puisque malgré les chiffres de ses exploits qu’on fait défiler à la fin, on ressent difficilement, d’un point de vue narratif du moins, tout ce que Marinette a vécu et surmonté.
Bien sûr, on vit et réagit aux nombreux drames, aux injustices, à son père violent et immoral, à l’accident de sa mère, à sa découverte d’elle-même, à son coming out, aux intimidations qu’elle a vécues et à ses efforts sans relâche pour faire avancer la cause des femmes au soccer féminin en France (attention aux divulgâcheurs : elles n’ont toujours pas le titre de joueuses professionnelles, près de deux décennies plus tard). Sauf que le tout se fait de manière très anecdotique, sans tambour ni trompette, n’en déplaise aux compositions rythmées de Jean-Fabien Dijoud.
C’est dommage, aussi, parce que Verrier, elle qui a surtout fait de la télévision, n’a pas l’étoffe nécessaire pour donner la vigueur que ce récit unique aurait mérité. C’est encore plus évident lorsqu’on voit des noms comme Fred Testot, Sylvie Testud, Émilie Dequenne, Garance Marillier (qu’on a surtout découverte chez Julia Ducournau) et Alban Lenoir devoir se contenter de maigres compositions enveloppées d’allures de téléfilm de dimanche après-midi.
Précisons toutefois que ces noms élèvent néanmoins le niveau. Marillier est vibrante dans le rôle-titre tandis que Lenoir, qui a montré régulièrement la large étendue de son jeu, se ramasse avec un rôle assez ingrat à interpréter, mais ajoute au prestige de l’entreprise.
Visuellement moche (il faut voir comment on filme les États-Unis, comme si c’était l’ultime eldorado tout droit sorti d’un film pour ados américain), pourquoi se payer des tournages à l’étranger, si on n’en tire pas profit? Et pourquoi vouloir parler de sport, si on ne l’utilise seulement que pour un prétexte au mélodrame, qu’il soit à la ville, à la campagne, dans les vestiaires, sur le terrain, à la maison, ou même dans la chambre?
Reste alors la possibilité de découvrir une histoire qui mérite notre attention, mais aussi de s’indigner sur des inégalités et des injustices qui ne devraient pas perdurer aujourd’hui. Sur le fond, Marinette a tout pour rimer avec succès. Dans la forme, malheureusement, c’est plus oubliable.
5/10
Marinette n’ayant pas de distributeur au Québec, il n’y a pas de sortie prochaine prévue à l’horizon. Il peut toutefois être visionné en ligne jusqu’au 26 novembre prochain dans le cadre du festival Image+Nation au coût de 10 $. Tous les détails ici.
Mise à jour: la disponibilité du titre en ligne a été prolongée jusqu’au 3 décembre.