Partir loin de chez soi… Ou plutôt partir pour trouver un nouveau chez-soi: ce geste, ce grand déchirement, des millions de personnes l’effectuent chaque année. Et dans Entre deux mondes, une pièce de Livia Magnani, ces nouveaux arrivants, ces gens venus d’ailleurs ont l’espace pour exprimer leur vécu.
Cette oeuvre, jouée jusqu’au 2 décembre, inaugure un nouvel espace de diffusion culturelle sis sur le boulevard Saint-Laurent, à Montréal. Et au bout du fil, Mme Magnani explique d’ailleurs que cet endroit a entre autres été pensée pour organiser les représentations d’Entre deux mondes.
« L’espace vient d’ouvrir, on va avoir différents événements culturels qui mettent l’accent sur les arts performatifs. Et la première représentation performative sera justement Entre deux mondes, qui me représente, un peu comme l’espace, ici. Par la suite, on présentera diverses performances. Mais pour ma pièce, spécifiquement, on a créé une scénographie particulière qui va accompagner l’oeuvre », a-t-elle indiqué en entrevue.
Inspirée de l’expérience de son autrice comme immigrante, Entre deux mondes donne tour à tour la parole à des Néo-Canadiens, arrivés ici depuis plus ou moins longtemps, selon la personne. Pour interpréter le rôle principal, on a d’ailleurs fait appel à Gabriela Grosso, une actrice argentine, le pays dont est aussi originaire Mme Magnani.
Pour cette dernière, d’ailleurs, revivre son parcours de nouvelle arrivante au Canada (ainsi qu’au Québec) s’est avéré être une expérience mi-douce, mi-amère. « Je pourrais dire que c’est un processus par moments positifs, par moments douloureux. Tout cela est présent dans la pièce », mentionne-t-elle, avant d’évoquer une « catharsis ».
De son côté, Mme Grosso évoque « une expérience très positive, même si un peu douloureuse ».
« Quand tu t’en vas dans un autre pays, tu te sens un peu étrangère; c’est la première fois que je suis à Montréal, et je me sens donc comme le personnage dans la pièce. »
La notion « d’étranger » reviendra d’ailleurs tout au long de l’entrevue, y compris avec d’autres membres de la distribution, qu’ils viennent à peine d’arriver ici, ou qu’ils soient devenus des Québécois depuis une trentaine d’années. Dans le café du Mile-End où se déroule la pièce, tous sont toujours, encore un peu, cet immigrant qui vient de débarquer de l’avion, et qui se retrouve dans un melting pot de cultures et de langues, avec comme seul point commun de venir d’ailleurs.
En filigrane, on peut deviner ce questionnement: cesse-t-on un jour de venir d’ailleurs? On peut être les plus intégrés du monde, provenir de la deuxième, troisième, quatrième génération d’immigrants, il suffira d’un prénom qui « déroge » des normes, d’un léger accent ici, d’un teint plus basané là, par exemple, pour qu’on puisse penser que cela ne fait pas si longtemps que nous venons de descendre de l’avion, justement.
Ultimement, donc, Entre deux mondes, comme l’indique son titre, se plonge dans ce qu’il pourrait convenir d’appeler des limbes sociologiques, cet espace entre l’ailleurs et l’ici, entre deux identités. Ou, peut-être, dans ce qu’il convient de qualifier de nouvelle vie?
Entre deux mondes, texte de Livia Magnani
Mise en scène de Livia Magnani et Cristina Morini
Avec Gabriela Grosso, Daniela Florentino, Emilio Ferreira, Pascal Laurent et Oscar Alexis Ramos
Jouée chez Moment!Culture jusqu’au 2 décembre