L’aptitude des paroles et des images de dire le réel n’est pas seulement le questionnement des artistes de la bien nommée compagnie franco-italienne Pensée visible pour présenter Palomar, d’après Italo Calvino à la Maison internationale des arts de la marionnette de Montréal.
Le génial écrivain italien – qui se posait beaucoup de questions – se demandait aussi si les images, la bande dessinée, par exemple, ne pourrait pas être encore plus adaptée que ses propres mots pour décrire la vie et la manière de s’y positionner comme humain voulant bien faire.
Palomar est une belle adaptation imagée de trois textes de l’ouvrage d’Italo Calvino Monsieur Palomar, un théâtre de papier très agréable et réussi.
À l’aide d’un joli petit castelet, d’une incroyable quantité d’images dessinées et colorées avec goût et de beaucoup d’ingéniosité et d’humour pour les faire se mouvoir et proposer une multitude de points de vue, trois des expériences de Monsieur Palomar, ses réflexions, ses pensées, ses associations d’idées et ses faits et gestes pour devenir une personne sage sont illustrées pendant qu’on en écoute le texte.
Il s’agit d’une expérience inédite de lecture; car à la fidélité du texte s’ajoute une interprétation imagée et mobile qui se superpose à celle du lecteur et auditeur.
Les deux charmantes créatrices et marionnettistes Raquel Silva et Alessandra Solimene commémorent ainsi le 100e anniversaire de la naissance d’Italo Calvino et rappellent à quel point cet auteur merveilleux doit être lu et relu.
Son personnage – pas vraiment un héros, quoique… – se nomme Palomar, car il est un vrai observateur, non pas exactement de l’univers comme l’observatoire astronomique californien homonyme, mais des petits événements de la vie encore plus complexes que les trous noirs qui l’entourent et peuplent son quotidien.
Ainsi, comment se comporter sur une plage à la rencontre d’une baigneuse allongée les seins nus? S’il admet que cette vision ne lui déplait pas, Monsieur Palomar s’efforce aussi de ne pas adopter de comportement inadéquat de voyeur ou d’indifférent… ses réflexions se bousculent. Il pèse tous les enjeux personnels et culturels. Mais rien ne fonctionne et ça n’est pas faute d’avoir murement et sagement essayé.
Il y a aussi ce gorille albinos qui passe ses longues et ennuyeuses journées à être regardé par les visiteurs du zoo et qui serre contre lui – comme son seul objet d’affection – un simple pneu de voiture inutile. Monsieur Palomar en tire peut-être des réflexions sur la solitude, le temps qui passe et la vacuité de la vie, de la sienne propre également. Et dans un troisième texte, constatant qu’il est bien malhabile dans ses rapports avec ses semblables, Monsieur Palomar met en place toute une stratégie de quête de connaissance de l’univers puis de lui-même pour entrer en contact avec les autres et échouer, encore, misérablement…
Ces trois histoires sélectionnées de l’ouvrage de Calvino sont superbement illustrées, racontées, mises en musique avec tout le soin qui convient. Des intermèdes drôles et délicats ajoutent à l’expérience du spectateur et à ses réflexions, à l’instar de Monsieur Palomar.
Italo Calvino, pour conclure la présentation de son livre, résumait ainsi la quête de son personnage: « Un homme se met en marche pour atteindre pas à pas la sagesse. Il n’est pas encore arrivé. » C’est peut-être de lui-même dont parlait Italo Calvino à travers Palomar, et sans doute de tous ceux qui font au moins un essai modeste pour atteindre la sagesse.
Palomar
Mise en scène : Raquel Silva
Texte : Italo Calvino
Scénographie : Alessandra Solimene
Dessins : Alessandra Solimene
Paysage sonore : Daniella Cattivelli
Éclairage : Marco Giusti
Interprétation : Raquel Silva et Alessandra Solimene
Avec le soutien de L’espace périphérique (Paris), le Théâtre aux mains nues (Paris), l’Association arcade et cie (Paris), et le Théâtre Isle (Avignon).
Les Casteliers
Palomar, du 9 au 11 novembre 2023, à la Maison Internationale des Arts de la Marionnette (MIAM) à Montréal