Les catastrophes climatiques, mais aussi les grèves, une invasion surprise de Taïwan par la Chine, ou encore la réélection de Donald Trump: il s’agit là d’autant de scénarios, évoqués dans le cadre d’un récent rapport de l’Economist Intelligence Unit (EIU), qui pourraient avoir un impact important sur l’économie mondiale au cours de la prochaine année.
En examinant 10 scénarios, tous classés selon la probabilité qu’ils se produisent en 2024, mais aussi en fonction de leur impact global potentiel, les spécialistes de l’EIU estiment classent ainsi en tête de palmarès les dangers liés à la catastrophe climatique, mais aussi une généralisation des mouvements de grève dans le milieu du travail, deux scénarios qui auraient, lit-on, « un impact modéré » sur l’économie.
Tout d’abord, en s’appuyant sur le fait que « les modèles climatiques pointent vers une multiplication des événements météorologiques extrêmes », les auteurs du rapport jugent que si ces catastrophes sont pour l’instant relativement sporadiques, en plus de survenir dans diverses parties du globe, « elles pourraient commencer à se produire de façon plus synchronisée ».
De fait, juge-t-on, « de graves sécheresses et vagues de chaleur ont déjà affecté les rendements agricoles, et le retour du phénomène El Nino pourrait exacerber les événements climatiques, menant à des températures mondiales record en 2024 », alors que plusieurs mois de l’an 2023, dont celui de septembre, sont déjà les plus chauds depuis que des données sont conservées.
En combinant ces risques de récoltes perdues à la pression exercée par la guerre en Ukraine sur la production de céréales, les experts de l’EIU soutiennent que le coût de la vie pourrait continuer de grimper, alors que la sécurité alimentaire sera de plus en plus ébranlée. « Des pénuries alimentaires, dans certaines parties du monde, pourraient entraîner des migrations de masse, voire des guerres, ce qui aura d’importants impacts politiques dans les pays touchés, impacts qui pourraient avoir des répercussions ailleurs dans le monde. »
D’ailleurs, le document de l’EIU évoque aussi la possibilité que cette incertitude, et plus précisément la hausse des prix, alors que les salaires ne suivent pas, mène à une généralisation des grèves un peu partout dans le monde, ou encore à des émeutes. « Ces mouvements sociaux viendraient gonfler les protestations de moindre importance déjà observées en Europe, aux États-Unis, en Corée du Sud et en Argentine », note-t-on.
« Dans des cas extrêmes, les travailleurs de grandes compagnies pourraient coordonner des grèves d’ampleur mondiale pour réclamer des salaires équivalant à l’inflation. (…) De tels mouvements pourraient paralyser des industries entières, ou encore des services publics. »
La guerre, jamais bien loin
Signe que la paix demeure élusive, même en 2023, trois conflits armés – un potentiel, deux déjà en cours – font partie des scénarios évalués par l’Economist Intelligence Unit. Si les trois sont jugés comme étant peu probables, leur impact économique, lui, serait particulièrement grand.
Le premier de ces scénarios, soit une décision inattendue de la Chine d’annexer Taïwan, entraînerait, tout d’un coup, « un détachement des deux plus grandes économies mondiales », soit la Chine et les États-Unis. Cette invasion, qui pourrait survenir peu de temps avant, ou tout de suite après les prochaines élections à Taïwan, prévues pour janvier, s’inscrirait dans la foulée d’une multiplication, par Pékin, des incursions dans l’espace aérien de Taïpei, ainsi que des manoeuvres maritimes près de l’île.
« Une déclaration officielle d’indépendance de Taïwan précipiterait aussi une attaque chinoise », écrivent les auteurs de l’étude, bien qu’ils jugent que cela ne fait pas partie de leurs prédictions.
« Peu importe le déclencheur, un conflit à grande échelle pèserait lourd sur l’économie de Taïwan, et son industrie des semi-conducteurs serait temporairement coupée de la chaîne d’approvisionnement mondiale. Ce conflit pourrait aussi entraîner une implication des États-Unis, de l’Australie, de la Corée du Sud et du Japon, en plus de pousser l’Union européenne et d’autres gouvernements proches de Washington à adopter des sanctions économiques contre la Chine », ajoute-t-on, avant de même évoquer un « risque de conflit nucléaire ».
Même sans ce scénario apocalyptique, la plupart des pays du monde devraient alors choisis entre Washington et Pékin, ce qui entraînerait une scission de l’économie mondiale en deux blocs, comme à l’époque de la Guerre froide.
Autre possibilité: l’élargissement du conflit entre Israël et le Hamas en une guerre régionale, que ce soit avec l’implication du Hezbollah, au Liban, ou encore de l’Iran, ce qui pourrait avoir des répercussions économiques importantes, surtout si Téhéran est liée à cette affaire.
Enfin, les chercheurs de l’EIU estiment qu’il existe une faible probabilité, mais une probabilité malgré tout, que la guerre en Ukraine se transforme en conflit mondial.
Selon le rapport, « une cyberattaque lancée par un État est le risque le plus important, puisque l’anonymat présumé de ces actes les rend plus acceptables pour les gouvernements ».
Et s’il se produisait une telle chose, « les alliés occidentaux feraient front commun, tandis que la Russie tenterait de convaincre d’autres pays, comme la Chine et l’Iran, de joindre le conflit ».
Une telle guerre, affirme-t-on, « serait dévastatrice », précipitant l’économie mondiale en récession, sans compter les morts par centaines de milliers, sinon par millions. Pire, l’escalade pourrait aller jusqu’aux armes nucléaires, affirment les auteurs.
Le retour de Trump
Selon un scénario jugé « modérément probable », le retour des républicains à la Maison-Blanche (le rapport ne précise pas s’il s’agirait de Donald Trump) aurait l’effet d’un pavé dans la mare à l’échelle mondiale, notamment en matière de relations économiques avec les pays alliés, ainsi que dans le cadre de la lutte contre la crise climatique.
De l’avis des spécialistes, ce changement abrupt de cap « viendrait saper les relations avec des alliés des États-Unis, notamment l’Europe, le Royaume-Uni, l’Australie et le Japon », en plus de mettre en danger l’aide fournie à l’Ukraine, et donc renforcer la position de la Russie.
« Parallèlement, la Chine tenterait probablement de profiter des tensions en cherchant à dissuader les partenaires des Américains de suivre ceux-ci dans leurs politiques envers Pékin », écrivent les auteurs du document.