La sortie du premier Cities: Skylines, en 2016, fut l’équivalent d’une bouffée d’air frais dans le domaine relativement niché des simulateurs de gestion urbaine. Il y avait bien eu Cities XL pour varier un peu les plaisirs, mais le secteur demeurait très largement articulé autour de la franchise Sim City, en train de mourir de sa belle mort après une série d’horribles décisions de la part d’EA. Sept ans plus tard, est-ce que les gens de chez Colossal Order peuvent répéter leur exploit?
L’idée demeure fondamentalement la même: créer une ville. Peut-être pas une ville parfaite, mais créer une ville tout de même, avec des services publics, des secteurs résidentiels, de l’activité commerciale, des usines, des écoles… Cela, Will Wright l’avait déjà proposé avec le tout premier Sim City, il y a 34 ans. Et toutes ces années plus tard, si le jeu est encore loin d’être parfait, il est possible d’affirmer que Cities: Skylines II est non seulement un digne héritier spirituel de ce premier jalon, mais aussi possiblement la version la plus aboutie d’un simulateur urbain qu’il est possible d’obtenir… du moins, en ne tombant pas dans les simulateurs purement économiques.
Plusieurs années après avoir cessé de jouer au premier Cities: Skylines, entre autres en raison de la complexité de la gestion des très nombreux mods et de la multiplication des contenus supplémentaires pas toujours bien ficelés – la bonne vieille méthode Paradox Interactive, qui est reproduite dans tous les jeux du développeur et éditeur, de Stellaris à Hearts of Iron IV… –, plonger dans une version autant « nettoyée » qu’améliorée est une expérience franchement rafraîchissante.
Et ces améliorations de l’expérience du joueur, y compris en intégrant certaines des modifications les plus populaires du premier opus, font certainement plaisir à voir. Les urbanistes en herbe seront heureux de disposer directement, par exemple, de l’affichage des angles des routes lors de leur construction. Ou de ne pas avoir à s’occuper, sauf exception, de la construction de canalisations d’égout et de lignes électriques: pour relier un bâtiment au réseau, il suffit de le connecter au réseau routier, et le tour est joué!
Idem pour les ronds-points, ces constructions qui nécessitaient normalement un petit tour de passe-passe (ou des mods) pour fonctionner, du moins dans les premières versions du premier jeu; cette fois, il suffit de débloquer cette amélioration pour pouvoir en installer, en plusieurs tailles, là où bon nous semble.
Une nouvelle façon de progresser
Cette notion de déverrouillage s’inscrit dans une transformation de la façon dont notre ville se développe et prend de l’expansion. En construisant des bâtiments et des routes, ou encore en voyant sa population (et le bonheur de celle-ci) augmenter, le joueur accumule des points d’expérience qui, ultimement, permettent d’atteindre un niveau de développement supérieur.
Celui-ci, à son tour, donne donc accès à des points qui serviront à obtenir de nouveaux services publics, des bâtiments plus importants ou plus efficaces, en plus de fournir une somme d’argent conséquente, ce qui incite évidemment à toujours garder en tête l’expansion de sa cité, nécessitant du même coup une vision d’ensemble incluant la construction de nouvelles résidences, oui, mais aussi le transport, la pollution, ou encore la vitalité économique.
De fait, ce sont ces améliorations de la qualité de jeu et cette augmentation de la « fluidité », en quelque sorte, qui parviennent à faire en sorte que ce journaliste peut aisément s’installer et passer trois, quatre, cinq, voire six heures d’affilée devant l’écran, pour tenter de surmonter les divers obstacles qui se présenteront devant lui.
On saluera notamment la possibilité, quasi universelle, d’améliorer des bâtiments publics en leur accolant une ou plusieurs extensions. Plutôt que de bâtir six casernes de pompiers identiques, par exemple, on ajoutera plutôt un garage supplémentaire à une caserne existante; idem pour les écoles, ou encore le centre traitement des déchets ou la gare d’autobus.
Un gros irritant
Parlons-en, d’ailleurs, des autobus: l’influence de Cities in Motion, la précédente série de Colossal Order, n’est jamais bien loin, et si le modèle physique et la simulation du trafic ont largement été améliorées depuis, y compris par rapport au premier Cities: Skylines, on avance toujours un peu à tâtons dans ce domaine.
Par exemple, s’il est très facile d’avoir accès à des données sur la pollution de l’air, la congestion routière, ou encore la production économique, impossible, du moins pendant les quelques heures où ce journaliste a plongé dans le jeu, d’avoir des informations fiables à propos des allées et venues de nos citoyens: cherchent-ils à aller au travail? À l’école? Au musée? On en est donc réduits à créer des lignes de transport collectif un peu au hasard, en présumant du comportement de ces habitants numériques.
On se questionnera aussi sur la pertinence des segments parlés de la radio qu’il est possible d’écouter dans le jeu; à l’instar des « tweets » des citoyens – qui sont de retour –, ces segments visent à évoquer la situation de la ville, ou encore des problèmes qui touchent le territoire municipal. Mais ces moments de discussion sont si génériques et si répétitifs qu’ils en deviennent inutiles, voire franchement agaçants. Ne pourrait-on pas, plutôt, simplement afficher un message disant que telle ou telle rue est complètement congestionnée, ou qu’un immeuble spécifique est en feu?
Mais tout cela se règle avec des mises à jour. Tout comme, on l’espère, le plus gros problème de Cities: Skylines II, l’éléphant dans la pièce: l’horrible manque d’optimisation.
Est-ce la faute d’éditeurs qui voulaient sortir le jeu le plus rapidement possible? Les développeurs ont-ils été paresseux? Quoi qu’il en soit, lancer le jeu avec une configuration relativement décente (y compris une carte graphique RTX 3060ti) transforme le menu, avec une ville générique affichée en arrière-plan, en quelque chose d’aussi fluide et rapide qu’une présentation PowerPoint.
Pour obtenir quelque chose de jouable, il faudra réduire la qualité des visuels de façon importante. Il est évident qu’il n’est pas nécessaire d’avoir un jeu tournant à 60 images par seconde avec les détails poussés au maximum – nous ne sommes pas dans un jeu de tir à l’action frénétique, ici –, mais il est un peu absurde de nous faire installer un jeu de 60 gigaoctets, vendu à environ 70 $, pour ensuite être forcé de désactiver des fonctionnalités afin d’obtenir une expérience minimalement agréable.
Il est clair que Cities: Skylines II a besoin de plusieurs correctifs et d’une optimisation beaucoup plus poussée pour devenir un incontournable. Mais pour les passionnés du genre, le jeu promet déjà des dizaines, voire des centaines d’heures d’expansion urbaine et de gestion minutieuse…
Cities: Skylines II
Développeur: Colossal Order
Plateformes: Windows, PlayStation 5 et Xbox Series (sortie sur consoles en 2024) (testé sur Windows / Steam)
Interface du jeu offerte en français