Tout départ d’investisseurs des pétrolières BP et Shell est contré par l’acquisition d’actions par les 20 plus grands méga actionnaires, selon ce qu’indique un nouveau rapport du Center for Climate Crime and Climate Justice de l’Université Queen Mary, à Londres.
L’étude en question, publiée la semaine dernière, se penche sur les impacts des campagnes de désinvestissement menées contre ces deux géants des énergies fossiles, et comment il serait possible de s’assurer qu’il soit bel et bien possible de retirer des investissements de l’industrie des combustibles particulièrement polluants que sont le pétrole, le charbon et le gaz naturel.
Le document, intitulé Beyond Divestment, est une suite à une étude précédente appelée Carbon Cash Machine, qui révélait que les revenus en argent accumulés par les actionnaires des deux plus grandes pétrolières britanniques, BP et Shell, sont environ le triple de ce qu’ils étaient lorsque l’accord de Paris sur le climat a été signé, en décembre 2015.
Au dire des auteurs du rapport, ce nouveau texte « jette un éclairage sur l’impact des demandes croissantes, auprès des actionnaires, pour qu’ils retirent leur argent des combustibles fossiles ».
Ces campagnes de désinvestissement visent à persuader des institutions comme des universités, des fondations et des fonds de retraite à retirer leurs investissements d’entreprise produisant de l’énergie fossile, dans le cadre d’une série plus vaste de mesures nécessaires pour combattre la crise climatique.
Dans ce nouveau rapport, on découvre ainsi que bien que 47 % des actionnaires de BP, et 54 % des actionnaires de Shell, ont réduit leur participation dans les entreprises respectives, l’actionnariat a augmenté de 10 % au sein des deux compagnies.
Par ailleurs, affirment les auteurs de l’étude, ce qui peut avoir l’air d’un désinvestissement n’en est pas nécessairement un. Selon eux, plus du quart des 20 investisseurs qui ont effectué la plus grande réduction de leurs parts dans BP ou Shell ont en fait augmenté leur participation au sein d’autres compagnies.
De plus, toute tendance de désinvestissement chez les actionnaires de ces deux entreprises est annulée par les actionnaires plus importants, qui regroupent les plus grands gestionnaires de fonds de la planète.
Au total, seuls 60 investisseurs institutionnels ont vendu l’ensemble de leurs parts dans les deux compagnies. Cela ne représente que 3 et 4 % des investisseurs de BP et Shell, respectivement.
Une démarche largement insuffisante
L’étude avance aussi qu’au vu de « l’énorme augmentation » de la capitalisation boursière et du prix des actions des deux géants pétroliers depuis la signature de l’accord de Paris, « les campagnes de désinvestissement n’ont pas l’impact nécessaire ».
« Si le désinvestissement des actionnaires ne fonctionne pas suffisamment rapidement, comme le démontre ce rapport, alors nous devons trouver d’autres formes d’intervention qui permettront de réduire largement la production pétrolière et gazière », mentionnent les auteurs.
Au dire du professeur David Whyte, le coauteur de l’étude, « il est clair que le niveau de désinvestissement nécessaire pour lutter contre la crise climatique ne sera pas atteint en transférant simplement les titres de propriété des actions, à moins que ces actions ne soient achetées par des organisations qui s’engageront à laisser les ressources dans le sol ».
De plus, les travaux indiquent que chez les 20 plus importants responsables du désinvestissement chez BP et Shell, les cinq investisseurs ayant vendu le plus d’actions de BP ont augmenté leurs parts chez Shell; pour Shell, ce sont les sept plus importants désinvestisseurs qui ont acheté davantage de titres de BP.
« Sur cette base, le désinvestissement n’en est pas du tout: c’est un réinvestissement », soutient le Pr Whyte. « Si nous voulons atteindre la cible consistant à limiter le réchauffement planétaire afin d’assurer la survie de notre planète, toutes les preuves dont nous disposons indiquent qu’il faut immédiatement cesser de produire du pétrole et du gaz. Si le désinvestissement des actionnaires ne va pas assez vite pour atteindre cet objectif, comme le démontre ce rapport, alors nous devons trouver d’autres formes d’intervention qui réduisent largement la production. »