On a identifié une espèce encore inconnue de pangolin… grâce aux trafiquants de pangolins.
Mammifère recouvert d’écailles, doté d’une langue de 40 cm de long, consommateur boulimique de 70 millions d’insectes par année, le pangolin serait aussi le mammifère le plus trafiqué au monde. Selon le Fonds mondial pour la nature, 20 tonnes de pangolins ou de parties de son corps sont vendues illégalement sur les réseaux internationaux chaque année. On prête plusieurs vertus à ses écailles dans la médecine « traditionnelle » chinoise.
On lui connaissait jusqu’ici huit espèces, quatre en Afrique et quatre en Asie. Toutes sont classées parmi les espèces menacées et trois sont classées « à risque critique d’extinction », le plus haut niveau dans la Liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature.
Les trafiquants en question n’étaient probablement pas conscients qu’ils avaient sous la main des représentants d’une neuvième espèce parce que, visuellement, ces pangolins devaient ressembler aux autres. C’est plutôt une analyse génétique d’écailles récoltées lors de quatre opérations de police chez des trafiquants chinois entre 2012 et 2019, qui a permis de déterminer qu’il s’agissait d’une espèce distincte.
Sur les 33 écailles, les chercheurs ont pu observer 17 génomes différents, qu’ils ont comparé avec 138 génomes des huit espèces connues. Une analyse de la forme des écailles suggère de plus que l’animal serait un plus proche cousin des espèces asiatiques que des espèces africaines. Le groupe asiatique porte le nom latin Manis; cette nouvelle espèce a donc été baptisée pour l’instant Manis mysteria.
L’analyse, signée par des chercheurs de Chine et de France, est parue le 25 septembre dans la revue PNAS.
Le fait qu’il existe une neuvième espèce n’améliore en rien le sort général du pangolin: en dépit de l’interdit de commerce à l’échelle internationale, et en dépit du fait que la vente de pangolins d’élevage est interdite en Chine si elle est réalisée à des fins d’alimentation, le commerce des écailles ne semble même pas avoir été ralenti par la pandémie. En fait, spéculent les experts, il est possible que cette espèce ait été tout autant l’objet de braconnage que les huit autres, mais que personne ne se soit rendu compte jusqu’ici que ses individus appartenaient à une lignée différente.
Par contre, mieux connaître la diversité génétique des pangolins peut servir à combattre le braconnage: depuis des années, si des chercheurs décodent les génomes de pangolins, c’est entre autres dans l’espoir de dresser une carte des habitats les plus souvent ciblés par cette chasse illégale dans le but de mieux diriger les fonds alloués à la protection de l’animal. L’autre option serait de cibler les consommateurs d’écailles ou de chair de pangolins, mais considérant l’importance du marché, c’est un changement d’habitudes qui pourrait prendre du temps.