Est-ce cela, de l’art subversif? Faire patienter les gens sous un soleil de plomb, un vendredi midi, avant de leur faire visiter une exposition si courte qu’on a l’impression d’en avoir manqué les trois quarts? Que la réponse soit positive ou non, l’exposition Banksyland fera parler d’elle, mais certainement pas pour les bonnes raisons.
Organisé, nous dit-on, sans l’imprimatur de l’artiste lui-même, cet événement a forcément fait courir les foules, la seule évocation du nom de Banksy suffisant généralement à créer de l’engouement. L’enfant terrible de l’art qui dérange a beau sembler s’être assagi, qui peut oublier ce jeune homme masqué qui lance un bouquet de fleurs, ou encore la petite fille aux ballons?
Quoi qu’il en soit, c’est avec près de 45 minutes de retard que ce journaliste a pu entrer dans un bâtiment du boulevard Saint-Laurent, non loin du croisement avec la rue Ontario, en compagnie de dizaines d’autres curieux ayant payé la modique somme de 35 $, rien de moins.
Et la déception est rapidement au rendez-vous: dans une succession de salles non seulement sombres, mais aussi sales et poussiéreuses, parfois reliées entre elles par des escaliers peu sécuritaires (et eux aussi mal éclairés), on multiplie les panneaux d’informations sur l’oeuvre de l’artiste dont on ignore toujours l’identité. Panneaux qui comportent parfois des erreurs de traduction, mais surtout panneaux qui, eux aussi, se fondent dans la noirceur ambiante.
Autrement, on nous présente quelques copies d’oeuvres, possiblement entourées des créations d’autres artistes qui ne sont pas identifiés… et encore des panneaux d’information. Et c’est tout.
Passe encore que l’endroit ne soit pas climatisé – on peut l’excuser en évoquant le côté itinérant de la chose –, mais tout le reste suinte l’amateurisme à plein nez. Surtout qu’après une quinzaine de minutes, 20 tout au plus, on ressort sur une rue adjacente en se demandant si l’on ne vient pas de se faire avoir.
Encore une fois, on pourrait affirmer que le côté tristement pathétique de la chose et l’engouement des amateurs d’art représente une oeuvre complexe, à plusieurs niveaux, et que c’est peut-être Banksy lui-même qui se bidonne en imaginant la vacuité de spectateurs qui sont prêts à débourser un prix ridicule pour tourner en rond dans le noir.
Mais la réalité est sans doute plus simple et plus déprimante: l’exposition Banksyland est ridicule parce qu’elle est ridicule, tout simplement. Et ses organisateurs s’en mettent malgré tout plein les poches, alors qu’ils devraient plutôt avoir honte. Il n’y a rien de plus à dire.