Au-delà d’une certaine température, la feuille d’une plante dépasse son seuil de tolérance et devient incapable de faire de la photosynthèse, c‘est-à-dire utiliser la lumière du soleil pour poursuivre son existence et celle de toute la plante. Or, on s’approche dangereusement de cette limite, 47 degrés, dans les forêts tropicales.
Les auteurs de l’étude eux-mêmes admettent que ce n’est que dans les scénarios climatiques du pire qu’on prévoit que ce seuil sera dépassé. Mais si on s’intéresse à la température de la surface de la plante, et non à la température de l’air, les dernières mesures montrent qu’un petit nombre de plantes atteint déjà ce seuil: 0,01% des feuilles des canopées des forêts humides. La canopée est la partie supérieure du feuillage, donc celle qui est directement exposée au rayonnement solaire.
Les premières mesures qui ont mis les chercheurs sur cette piste sont venues des données récoltées entre 2018 et 2020 par l’instrument ECOSTRESS, installé sur la station spatiale internationale. Cela a conduit l’équipe dirigée par Christopher Doughty, de l’Université Northern Arizona, à prendre des mesures au sol à travers le monde. Leur conclusion, parue le 23 août dans Nature, est que ce seuil à ne pas dépasser, ou ce « point de non retour » (en anglais, tipping poing) au-delà duquel la partie de la cellule qui capture l’énergie solaire cesse de fonctionner, est beaucoup plus près qu’on ne le pensait. En gros, la proportion de feuilles affectées augmente plus vite après un réchauffement régional en apparence mineur. « Vous élevez la température de l’air de 2 à 3 degrés et la température de surface de ces plantes augmente de 8 degrés », a résumé Doughty aux journalistes. Il en résulte une quantité, impossible à prédire pour l’instant, d’arbres qui dépérissent et meurent.
Les plantes vivant dans les déserts peuvent tolérer des températures supérieures à 47 degrés, mais dans les forêts humides, la tolérance aux variations de température n’est pas aussi grande.
Les chercheurs rappellent que la plupart des scénarios actuels de réduction des gaz à effet de serre n’indiquent pas qu’on dépasserait, dans ces forêts, les 47 degrés — sauf les scénarios les plus pessimistes, ceux où l’augmentation de la température de ces régions atteindrait les 4 degrés par rapport à l’ère pré-industrielle.
Le New Scientist évoque la récente hausse du nombre d’arbres morts dans l’Amazonie: personne ne peut dire si ce phénomène serait en cause, parce que la mort des feuilles d’une canopée n’implique pas nécessairement la mort d’un arbre. Mais il est certain que dès qu’on touche à la photosynthèse, on touche au coeur même de ce qui soutient la vie végétale, et l’existence d’une « limite » qui ne serait peut-être pas si éloignée, oblige à nous questionner sur nos choix, écrivent les chercheurs: « nos résultats suggèrent que la combinaison de cibles ambitieuses d’atténuation des changements climatiques et de réduction de la déforestation, peut assurer que ces ensembles de carbone, d’eau et de biodiversité, restent en-dessous de ces limites thermiques ».