Les groupes environnementaux américains se préparent au pire. Ont-ils raison de s’inquiéter? D’un côté, Trump leur a donné toutes les raisons d’avoir peur de lui. De l’autre, il n’est pas encore président que le rétropédalage semble avoir commencé.
Parmi les motifs d’inquiétude: les nominations des deux dernières semaines, où le climatoscepticisme semble s’infiltrer un peu partout dans le futur gouvernement. Parmi les motifs pour relativiser ces craintes: les récentes déclarations « adoucies » de Trump au New York Times. Encore que ces dernières « sont encore plus stupides que vous ne l’imaginez », résume le New York Magazine qui s’est livré à une vérification des faits dévastatrice.
Les nominations qui inquiètent
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Un nom circulait avant même l’élection : Myron Ebell. C’est un économiste, un des chefs de file du mouvement climatosceptique et il est à la tête de l’équipe de transition chargée de définir l’avenir de l’Agence de protection de l’environnement (EPA). Abolir l’EPA pourrait s’avérer difficile, mais plusieurs législations antipollution d’Obama pourraient être renversées, par exemple celles limitant les émissions des centrales au charbon et des véhicules automobiles.
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Un membre de l’équipe Trump a récemment annoncé qu’il mettrait fin à la portion du financement de la NASA consacrée aux « sciences de la Terre », ce qui inclut le climat.
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La candidate au poste d’ambassadrice des États-Unis à l’ONU, Nikki Haley : comme gouverneure de la Caroline du Sud, on lui a reproché depuis 2013 « d’enterrer » le rapport de son gouvernement faisant état des risques que les changements climatiques font courir à l’économie locale.
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Le candidat au poste de procureur général (ou ministre de la Justice), Jeff Sessions : selon ClimateWire, il serait lui aussi climatosceptique.
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James Carafano, vice-président d’un influent groupe de réflexion conservateur, aujourd’hui sur l’équipe de transition : il s’est prononcé pour l’élimination du bureau du conseiller scientifique de la Maison-Blanche.
Les bémols de Trump
L’entrevue accordée au New York Times (la transcription complète est ici) a toutefois soulagé certains observateurs, tant le président élu semblait mettre de l’eau dans son vin. D’autres sont restés sur leur faim, tant les réponses de Trump sur le climat sont incohérentes — « stupides », écrit le New York Magazine. Si Trump a promis — à sept reprises — de garder « l’esprit ouvert » sur le lien entre l’humain et le climat, il a aussi utilisé des arguments en apparence sortis de nulle part: « Vous savez, la journée la plus chaude jamais enregistrée était dans les années 1890. Quatre-vingt-dix-huit. Vous savez, vous pouvez argumenter de différents points de vue. Je suis totalement ouvert d’esprit. »
Réplique du magazine: une journée plus chaude que les autres n’invalide en rien une tendance étalée sur un siècle et demi. De plus, d’où sort cette référence à 1898 ? « Mon oncle a été pendant 35 ans professeur au M.I.T. Il était un grand ingénieur, scientifique. Il était un grand bonhomme. Et il était… il y a longtemps, il avait l’impression — c’était il y a longtemps — il avait des impressions sur ce sujet. C’est un sujet très complexe. Je ne suis pas sûr que quiconque va vraiment savoir. »
Réplique du magazine: John G. Trump travaillait en génie physique, pas en climatologie, et il est mort en 1985, à une époque où le consensus scientifique sur le rôle de l’humain dans le réchauffement était beaucoup moins solide qu’aujourd’hui.
Pour appuyer l’idée que les deux « points de vue » se valent, Trump a évoqué les « horribles courriels échangés entre les scientifiques », apparemment une allusion au climategate, cette controverse montée en épingle il y a sept ans, et qui a été démontrée fausse par neuf enquêtes indépendantes — dont deux commandées par le gouvernement britannique et une par le gouvernement américain.
À défaut de croire au réchauffement climatique, pourquoi ne pas investir dans les éoliennes? C’est un des endroits de l’entrevue d’une heure et quart où les journalistes ont eu le plus de mal à suivre le fil. « [Les éoliennes] sont faites de quantités massives de métal, ce qui s’en va dans l’atmosphère, que ce soit dans notre pays ou non, ça s’en va dans l’atmosphère. Les éoliennes tuent des oiseaux et les éoliennes ont besoin de quantités massives de subventions. En d’autres mots, nous subventionnons des éoliennes partout dans ce pays, je veux dire, pour la majeure partie, elles ne fonctionnent pas. Je ne pense pas qu’elles fonctionnent du tout sans subventions, et ça me dérange, et elles tuent tous les oiseaux. Vous allez voir une éolienne, vous savez, en Californie, là où ils ont le, comment ça s’appelle, l’aigle doré? Et là-bas, c’est comme, si vous tirez sur un aigle doré, vous allez en prison pour cinq ans, et pourtant ils les tuent, par… Ils doivent en fait avoir un permis pour être autorisés à tuer une trentaine et quelques, en un an. Les éoliennes dévastent la population des oiseaux. Ok. Cela étant dit, il y a une place pour elles. Mais elles ont besoin de subventions. Alors si je parle négativement, j’ai dit la même chose depuis des années vous savez, l’industrie éolienne. Je ne voudrais pas la subventionner. Certains environnementalistes sont très d’accord avec moi, à cause de toutes les choses que je viens de dire, incluant les oiseaux. Et d’autres ne sont pas d’accord. »
Pistes de solutions
Quelles stratégies de défense mijotent les groupes environnementaux Trois types, selon le magazine Think Progress.
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Se préparer à des poursuites devant les tribunaux pour bloquer des législations anti-environnementales
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Faire du lobbying afin que les États et les villes n’attendent pas pour lancer leurs propres initiatives de réduction des gaz à effet de serre
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Surveiller les marchés : le futur président a beau avoir promis aux anciens travailleurs du charbon de faire renaître leur industrie, il ne pourra pas faire grand-chose tant que le gaz coûtera moins cher que le charbon.