Martin Prévost
Vendredi dernier, à la Salle Bourgie du Musée des Beaux-Arts de Montréal, avait lieu le concert d’ouverture de la 10e édition du Festival Bach de Montréal. Était servi, en ouverture du festival, un Sergeï Babayan qui aurait très bien pu faire office de plat de résistance tant il a ébloui son public en étalant une palette de nuances plus large encore que ce qu’on aurait pu croire possible avec seulement un piano.
Le programme, enrichi à la dernière minute, était construit sur la base d’une chronologie inversée : du 20e siècle, nous sommes passés au 19e, puis au 18e, le siècle au cours duquel Johann Sebastian Bach a composé les variations dites Goldberg. Ces variations ont occupé toute la deuxième partie du récital du pianiste d’origine arménienne. La première partie du programme comprenait, Für Alina, d’Arvo Part, suivie de Fantaisie à la mémoire de Maria Yudina, en do mineur, de Vladimir Ryabov et de trois pièces de Frédéric Chopin, une polonaise, une valse et une barcarolle.
La courte pièce de Part a duré cependant assez longtemps pour que nous assistions à une promenade onirique d’une légèreté toute friable, d’une finesse charmante et d’une résonnance pianistique des plus profondes et délicates.
Enchaînée au Part sans transition, l’interprétation de la fantaisie de Ryabov a entraîné le public dans une tornade d’intensité, d’énergie, et de richesse. Il faut dire que Babayan maîtrise d’une façon absolue le jeu des pédales et qu’il semble extraire de son instrument des sonorités connues de lui seul.
Les trois pièces de Chopin, quant à moi, ont été jouées avec un romantisme appuyé, sans être trop lourd. Il faut noter, dans les reprises de la valse, le choix judicieux du pianiste qui joue trois fois les mêmes mesures, de façon différente chaque fois. Ce romantisme appuyé semblait s’opposer volontairement au style de Charles Richard Hamelin, qui était présent parmi les spectateurs.
Et que dire des Variations Goldberg, cette œuvre dont on a si souvent entendu la version de Glen Gould ! Eh bien, disons qu’il existe maintenant au moins deux versions de référence. Autant l’aria fut joué avec calme, pureté et précision mathématique, comme le faisait Gould, autant la majorité des variations a été rendue de façon joyeusement débridée, dans un déluge de virtuosité, devant un public qui arborait un silence monastique, mais surtout admiratif. Voilà un grand interprète, voilà un excellent début pour le Festival Bach de Montréal.