Des psychologues de l’Université Cambridge ont mis au point le premier test validé de « susceptibilité face à la désinformation », soit un quiz d’une durée de deux minutes qui fournit une indication claire du niveau de vulnérabilité d’une personne face aux nouvelles inventées qui circulent en ligne. Et au dire des chercheurs, il appert que les plus jeunes sont particulièrement susceptibles de tomber dans le panneau.
Le test en question, qui a fait ses preuves dans le cadre d’une série d’expériences impliquant plus de 8000 participants sur une période de deux ans, a été mis en place par la firme de sondage YouGov pour déterminer à quel point les Américains sont susceptibles d’être trompés par de fausses nouvelles.
Le premier sondage s’appuyant sur ce nouveau test, appelé MIST, a permis de déterminer qu’en moyenne, un adulte américain pouvait identifier correctement les deux tiers des titres qui lui étaient présentés, à savoir s’il s’agissait de vraies ou de fausses nouvelles.
Cependant, le coup de sonde a aussi établi que les jeunes adultes obtiennent des résultats moindres que leurs concitoyens plus âgés, et que plus une personne passait du temps sur internet, moins elle était en mesure de faire la différence entre de vraies nouvelles et des mensonges.
Cela s’inscrit en faux par rapport aux idées concernant la dissémination des fausses nouvelles en ligne, affirment les auteurs de l’étude, soit le fait que ce soit les personnes plus âgées, moins branchées sur la technologie, qui soient plus facilement bernées par les mensonges sur le web.
Les conclusions de l’étude sont publiées dans Behavior Research Methods.
« La désinformation est l’un des plus grands défis pour les démocraties, à l’ère du numérique », soutient le professeur Sander van der Linder, principal auteur des travaux.
« Nous voyons comment les mensonges numériques créent des systèmes de croyances polarisés dans les grandes nations, ainsi que leurs conséquences, comme la tentative de coup d’État du 6 janvier 2021. »
« Pour comprendre où et comment combattre la désinformation, nous avons besoin d’une méthode standardisée pour mesurer la susceptibilité face aux fausses nouvelles. Voilà ce que fournit notre test », a encore indiqué le Pr Van der Linden.
L’équipe de Cambridge a développé des outils d’évaluation qui lui ont permis d’établir le bon niveau de vrais et faux titres afin de produire les résultats les plus fiables.
Des exemples de vraies dépêches ont été tirés de médias comme le Pew Research Center et Reuters. Et pour créer les faux grands titres, tout en s’assurant de leur apparence « véridique », les chercheurs ont utilisé le robot conversationnel ChatGPT.
« Lorsque nous avons eu besoin d’une série de titres faux, mais convaincants, nous nous sommes tournés vers la technologie GPT. L’IA a généré des milliers de titres de nouvelles en quelques secondes. En tant que chercheurs qui se consacrent à combattre la désinformation, cela nous a ouvert les yeux, en plus de nous alarmer », a indiqué le Dr Rakoen Maertens, un autre auteur de l’étude.
Un ensemble de mauvais résultats
Dans le cadre de la plus récente version du MIST, 1516 adultes américains ont répondu au test en avril dernier, en plus de fournir des données démographiques, sur leur orientation politique et sur leurs habitudes en ligne.
Par ailleurs, plus une personne passait du temps en ligne pour s’amuser, chaque jour, plus elle était susceptible d’être dupée par de fausses nouvelles, toujours selon le même test. Environ le tiers des gens passant jusqu’à deux heures en ligne, tous les jours, ont obtenu un bon résultat, contre 15 % de ceux qui surfaient pendant neuf heures ou plus.
Le sondage a également cherché à analyser les canaux par lesquels les participants reçoivent leurs informations. Les médias traditionnels demeurent ainsi la source principale de ces nouvelles. Par exemple, plus de 50 % des gens s’informant du côté de l’Associated Press, de la radio publique NPR, ou encore du média en ligne Axios, ont obtenu de bons résultats au test.
C’est du côté des gens s’informant sur les médias sociaux que les résultats sont les moins bons: 53 % des participants passant par Snapchat pour connaître les plus récentes nouvelles ont obtenu un mauvais score. Truth Social, la plateforme liée à Donald Trump, est aussi synonyme de mauvais résultats lorsque vient le temps de départager le bon grain de l’ivraie journalistique. Tout comme le sont WhatsApp, TikTok et Instagram.
Les démocrates ont obtenu de meilleurs résultats que les républicains dans le cadre du test, 33 % d’entre eux obtenant une bonne note, contre seulement 14 % des républicains. Cependant, près du quart des répondants affiliés à chacun des partis se retrouvaient dans le groupe ayant obtenu la moins bonne note.
Selon le sondage YouGov, près de la moitié des Américains disent voir tous les jours ce qu’ils croient être de la désinformation, un constat qui inquiète les chercheurs.
Au dire du Dr Maertens, « les jeunes se tournent de plus en plus vers les médias sociaux pour s’informer, mais ces canaux sont remplis de désinformation. Les approches en matière de littératie des médias, d’algorithmes et de conception des plateformes numériques doivent être urgemment repensées ».