Mariloup Wolfe persiste et signe en livrant un nouveau long-métrage qui s’approprie cette fois le genre du coming-of-age, elle qui a pourtant longuement tenté de se défaire de ses origines du divertissement adolescent lors de son passage derrière la caméra. Ce Cœur de slush, adapté du roman du même nom, naviguant entre certains désirs honnêtes et d’autres carrément opportunistes, peine toutefois grandement à convaincre.
Dans un clin d’œil placardé qui semblera familier à ceux qui reconnaîtront la référence et ceux habitués aux cameos de la réalisatrice, on fera écho à À vos marques… party! Lien qui est loin d’être anodin, puisque les films destinés aux adolescents ont bien changés depuis 2006, alors que celui qui nous intéresse ne semble pourtant pas avoir reçu le message.
Il y a cette protagoniste en quête d’elle-même, un père endeuillé et un monde sportif pas trop lointain de l’histoire principale, en plus d’un univers aquatique omniprésent en trame de fond. Au moins, on a mis à jour bien des notions, du consentement au droit à l’émancipation féminine, des discours qui n’étaient pas vraiment prioritaires il y a quelques décennies.
Bien sûr, pas question de révolutionner le coming-of-age, ce genre qui a fait et continue de faire ses preuves et qui se reproduit à vue d’œil dans notre cinéma. On salue donc cette idée perpétuer la tradition consistant à donner la réplique à une panoplie de nouveaux visages (qui pourraient bien envahir nos écrans de demain), mais on regrette que le contenu qu’on leur offre manque de développement.
Ainsi, malgré les possibilités dramatiques ici et là, l’attachante Lilianne Skelly ne parvient jamais vraiment à montrer l’étendue de son talent.
Ici, sur un pilote automatique gênant, la réalisation de Wolfe ne prend aucun risque (si ce n’est d’un premier plan aussi inusité que sanglant qui finalement ne mènera à rien, contrairement par exemple à l’ouverture provocatrice d’Avant qu’on explose) et manque cruellement de dynamisme ce, qu’on retrouvait au moins ironiquement dans le déplorable Arlette.
Pire, le film vole d’inconsistance en inconsistance. De cet été qui semble être le plus froid qu’on a jamais connu, en passant par cette adolescente supposément amoureuses des livres et des lettres, mais qui fait une faute de base dans un texto, jusqu’à ce désir imposant d’un univers vintage auquel personne ne semble vraiment appartenir.
On y voit là clairement le fantasme d’une bande d’adultes qui ont fait un film sur une époque qui leur est chère et précieuse… tout en se contentant de situer le tout de nos jours pour rejoindre la clientèle cible, sans avoir vraiment pris le temps de vraiment les consulter et pas seulement plaire à leurs parents qui, à cet âge ne les accompagnent plus vraiment de toute manière.
Comme quoi, même si on crée un univers presque entièrement dénué d’adultes (où sont les adultes responsables au parc aquatique, d’ailleurs?), on ne tombe pas dans le panneau et on n’est pas certain si les vrais ados tomberont dedans, eux aussi.
Conçu avec un désir de rassembler, le film joint aussi le concept du jukebox movie, avec une trame sonore qui multiplie les morceaux gagnants, trop souvent mal utilisés, malheureusement.
La pire offense aura lieu dans ce massacre impardonnable d’une chanson de Angus & Julia Stone, modifiée sans aucune aisance pour se terminer avant l’heure. D’ailleurs, n’en déplaise aux mélodies de Jean-Phi Gonvalves aidées de la voix de Fanny Bloom, qui font de leur mieux pour dynamiser le tout, le long-métrage ne fera preuve d’aucune intuition musicale, faisant commencer et arrêter des chansons quand bon lui semble, histoire de passer d’une scène à l’autre sans véritable raison d’être, sauf peut-être lorsque les paroles disent « heart » au moment où le titre du film apparaît. Ingénieux.
On y préfère davantage le trop peu vu Charlotte a du fun, qui abordait avec plus de doigté le désir et la sexualité au féminin, en plus de mieux s’approprier la bande d’amies et cette passion pour l’hier. On sent aussi qu’à l’inverse de Sophie Lorain face au matériel de Catherine Léger, Mariloup Wolfe ne s’est pas sentie capable de s’approprier le projet de cœur de Sarah-Maude Beauchesne auto-adapté à la fois de ses écrits, mais aussi de son propre vécu. Il n’y a rien, ici, qui justifie que le tout s’étire sur deux heures, surtout en considérant à quel point il ne passe pas vraiment grand-chose.
Par ailleurs, on pardonne encore moins ce faux féminisme qui, contrairement au film de Lorain, encore une fois, ou même de la magnifique amitié dépeinte dans Tu dors Nicole, n’arrive en rien à camoufler ce message agaçant et frustrant qui permet à la toxicité masculine de perdurer et, pire, de se manifester, tout simplement.
À ce titre, l’intérêt amoureux du film souffre non seulement d’une performance particulièrement molle de son interprète, d’un manque de chimie palpable face aux interprètes lumineuses qui l’entourent, mais aussi d’une écriture douteuse qui semble louanger et pardonner cet être qui s’avère problématique dès son entrée en scène.
On aura beau laisser entendre ici et là que les personnages féminins se choisissent et se priorisent au final, disons que c’est difficilement ce message qui nous restera en gorge pour la pérennité.
Cœur de slush déçoit pour bon nombre de raisons. On lui reprochera surtout, cependant, de ne pas avoir pu s’approprier de manière plus gagnante toutes ces belles opportunités qui se trouvaient sur sa route.
3/10
Cœur de slush prend l’affiche en salle ce vendredi 16 juin.