Un astronome de l’Université du Michigan et son équipe proposent une nouvelle façon d’étendre la recherche de mondes habitables en tenant compte d’une zone pas encore prise en considération: l’espace entre une étoile et ce qui est appelé « ligne de suie », dans les disques de poussière où se forment des planètes.
Les mondes qui se créent dans cette région, soit un anneau de poussière tournant autour d’une étoile centrale au sein duquel des planètes pourraient se former, auraient des chances de posséder des surfaces riches en composantes carbones volatiles qui sont largement différentes de celles que l’on retrouve sur Terre, indique-t-on.
Ces planètes seraient aussi riches en carbone organique, mais pauvres en eau, indique Ted Bergin, qui a dirigé les travaux de recherche ayant rassemblé des géochimistes, des planétologues, des astrochimistes et des experts en exoplanètes.
Au dire de l’équipe de scientifiques, lorsque nous cherchons des planètes similaires à la nôtre, les astronomes s’intéressent non seulement à des corps célestes qui ressemblent à la Terre, mais aussi qui se sont largement formés de la même façon. Les modèles actuels d’exoplanètes sont développés en utilisant les conditions atmosphériques de la Terre, ainsi que sa composition, y compris les molécules essentielles à la vie qui se forment à partir des composantes basées sur le carbone et de l’eau.
Ces modèles se concentrent aussi sur des zones, au sein des disques de formation de planètes, appelées lignes de glace, soit des régions suffisamment éloignées de l’étoile centrale où l’eau, ou d’autres molécules essentielles, passent de la phase gazeuse à la phase solide.
Les mondes terrestres, comme notre planète, se sont formés à partir de solides. Les chercheurs ont longtemps pensé que la Terre, dont l’eau ne représente qu’environ 0,1 % de sa masse, devait s’être formée dans cette zone de glace.
Chercher plus près des étoiles
Mais ce type de modèle est trop limité, juge M. Bergin. Pour élargir le champ des possibilités pour trouver des planètes habitables, le chercheur et son équipe suggèrent un nouveau modèle qui tient compte de la ligne de suie, soit une limite située plus près d’une étoile, dans un système solaire.
Entre cette limite et l’étoile, les composantes organiques comprises dans les solides se subliment et deviennent des gaz. En tenant compte du fait que cette région comprendrait aussi des planètes telluriques (rocheuses) qui possèderaient plus de carbone que n’en compte la Terre, cela soulève des questions quant à l’habitabilité de ce genre de mondes, jugent les chercheurs.
Les conclusions des travaux sont publiés dans The Astrophysical Journal Letters.
« Cela ajoute une dimension supplémentaire à notre quête pour des planètes habitables. Cela pourrait être négatif, comme cela pourrait être positif », mentionne M. Bergin.
« C’est excitant, parce que cela ouvre la porte à un nombre infini de possibilités. »
Tout comme la Terre est pauvre en eau, elle est aussi pauvre en carbone, rappelle M. Bergin. Lorsque la planète s’est formée, elle n’a probablement reçu qu’un atome de carbone par 100 atomes disponibles. Des astronomes estiment que la ligne de suie explique pourquoi la Terre compte si peu de carbone.
Si les « blocs de construction » de notre planète se sont formés à l’intérieur de la ligne de suie, la température élevée et les radiations solaires ont bombardé les matériaux qui allaient former la nouvelle planète, transformant des composantes riches en carbone en gaz et limitant la quantité de carbone présente dans les matériaux solides qui ont ensuite servi à construire notre monde.
Le modèle développé par l’équipe de recherche théorise la formation d’autres planètes entre les lignes de suie et de glace.
Un tel monde ne semble pas exister dans notre système solaire, mais celui-ci n’est pas représentatif des systèmes solaires connus autour d’autres étoiles, indique M. Bergin.
Ces autres systèmes solaires semblent complètement différents : leurs planètes sont situées plus près de leur étoile et sont de plus grande taille, allant de ce qui est appelé « super Terre » à des « mini Neptune », mentionne le chercheur.
« Ce sont soit de grands rochers, ou de petites géantes gazeuses – voilà le type de système planétaire le plus répandu. Alors, peut-être qu’au sein de tous les autres systèmes solaires dans la galaxie, il existe un groupe de corps célestes que nous n’avons pas encore reconnus, et qui possèdent une bien plus grande quantité de carbone sous leur croûte. Quelles en sont les conséquences? », s’interroge M. Bergin.
« Il faut encore explorer ce que cela veut dire pour l’habitabilité des planètes. »
« Si vous avez une planète de la taille de la Terre, avec davantage de carbone que sur notre monde, qu’est-ce que ça veut dire pour la question de l’habitabilité? Nous ne le savons pas, et c’est cela qui est excitant! », conclut le chercheur.