Ces dernières semaines, ceux qui se méfient de toute forme d’aide financière de l’État dans l’économie ont applaudi la décision du propriétaire de Twitter de réduire des médias comme la BBC ou la CBC à l’expression « médias financés par le gouvernement ». Or, qu’en dit Elon Musk lorsqu’il est question de ses propres compagnies?
Déjà, en 2015, une enquête du Los Angeles Times avait estimé que Tesla, SpaceX et SolarCity, aussi détenues par le milliardaire, avaient reçu 4,9 milliards$ US en diverses formes d’aides gouvernementales depuis leurs débuts. Et la somme s’est multipliée depuis.
Si on ne calcule que les subventions, SpaceX a reçu 5,6 millions, selon la base de données Subsidy Tracker, qui suit à la trace plus de 1000 programmes de subventions du gouvernement fédéral américain, des 50 États et de nombreuses villes. L’outil a été créé par un groupe, Good Jobs First, qui milite contre les subventions aux grandes compagnies.
Mais il y a aussi les contrats gouvernementaux, et c’est de ce côté que les chiffres ont très vite augmenté. SpaceX a reçu plus de 15 milliards$ depuis une quinzaine d’années, principalement de la NASA et du ministère de la Défense, pour lancer des satellites et, plus récemment, envoyer des astronautes vers la station spatiale. En fait, dès 2016, un reportage du magazine Ars Technica concluait que si l’agence spatiale américaine n’avait pas soutenu la jeune compagnie huit ans plus tôt, celle-ci aurait fermé ses portes.
C’est ainsi que la fusée Falcon 9 et la capsule Dragon — la partie habitable de la fusée — ont été développées grâce à un partenariat avec la NASA: celle-ci voulait se libérer de sa dépendance aux fusées russes pour envoyer ses astronautes vers la station spatiale. En même temps, elle laissait à SpaceX la possibilité d’utiliser la fusée pour offrir à des compagnies privées la mise en orbite de leurs satellites, et ce pour moins cher que la concurrence.
Le magazine Business Insider rapporte aussi l’existence, en 2020, de deux contrats pour de futurs lancements de satellites de l’armée américaine, totalisant 653 millions$.
Plus récemment, en avril 2021, la NASA a choisi SpaceX pour le développement de l’engin habité qui ira se poser sur le sol lunaire — un contrat de 2,9 milliards$. C’est cet engin qui devrait, en théorie, permettre la mission Artemis 3, en 2025, la première mission lunaire habitée en 50 ans. Le compétiteur de SpaceX, la compagnie Blue Origin du milliardaire Jeff Bezos, était aussi en lice pour ce contrat.
Enfin, SpaceX a reçu 15 millions$ en subventions de l’État du Texas pour y construire son centre spatial —celui d’où a eu lieu le 20 avril 2023 le premier lancement-test de la future fusée géante. Les autorités, ont rapporté les médias locaux, avaient même ajouté à cette entente une protection légale contre les plaintes des résidents pour le bruit.
En d’autres termes, SpaceX reçoit beaucoup plus d’aide du gouvernement que la radio publique NPR, ironisait le 13 avril le magazine Quartz — une allusion au fait que la radio publique américaine, cette semaine-là, avait brièvement hérité sur Twitter de l’étiquette « média financé par le gouvernement ». Alors que l’aide financière de l’État de 3 millions$, en 2022, ne représentait que 1% de ses revenus.
Des subventions aussi pour Tesla
Si Tesla n’a pas accès à des contrats gouvernementaux aussi payants, elle a néanmoins bénéficié de généreuses subventions, totalisant 2,8 milliards$, en majorité depuis 2014, selon Subsidy Tracker. Elle a ainsi bénéficié de divers programmes d’aide créés pour accélérer l’électrification des transports, incluant des crédits d’impôt aux acheteurs de voitures électriques. Tesla pourrait aussi profiter de la nouvelle loi américaine sur l’inflation (Inflation Reduction Act) qui prévoit, entre autres, des réductions d’impôt aux compagnies qui rapatrieront aux États-Unis la fabrication des batteries.
Business Insider rapportait par ailleurs en 2020 que l’État du Nevada avait accordé à Tesla, en 2014, des crédits d’impôt et « autres incitatifs » d’une valeur de 1,3 milliard$, pour la construction d’une usine.
Enfin, Tesla a eu droit à l’aide que le gouvernement fédéral a offert aux compagnies pour les aider à passer le cap de la pandémie, en même temps qu’Elon Musk recommandait de mettre fin à cette aide.
Et pour SolarCity
En 2016, l’État de New York avait investi 750 millions$, sur les 900 millions$ que devait coûter la future usine de fabrication de panneaux solaires de la compagnie SolarCity, à Buffalo. SolarCity était déjà en relation étroite avec Tesla, et serait acquise par cette dernière la même année. En 2015, avait rapporté le Los Angeles Times, SolarCity avait reçu des subventions du fédéral de près de 500 millions$, également pour cette future usine.
Contre les subventions
Si tant de gens observent de près ces aides financières, c’est en partie parce qu’Elon Musk lui-même… s’est opposé aux subventions. En décembre 2021 par exemple, dans le cadre d’un événement organisé par le Wall Street Journal, il invitait le gouvernement américain à « se débarrasser de toutes les subventions ». « Éliminez-les, tout simplement. »