Une nouvelle étude documente le fait que des projets de loi s’appuyant sur la religion ont été présentés dans toutes les sociétés, et dans tous les contextes religieux, à chaque fois au détriment des droits démocratiques. Selon les chercheurs, la religion sert toujours d’excuse pour opprimer les femmes, en particulier, en plus d’offrir un pouvoir sans limite aux législateurs.
Comme le rappellent les auteurs des travaux, en 1750 avant notre ère, la loi d’Hammurabi a désigné le roi de Babylone comme le représentant des dieux sur Terre. Aujourd’hui, la sharia est l’un des exemples de la façon dont la religion peut s’insérer au sein de l’appareil étatique. On peut ainsi trouver, partout dans le monde, des exemples de l’utilisation du religieux pour légitimer le pouvoir politique.
Les responsables de l’étude, des spécialistes des Universités de Copenhague et de Lund, ont ainsi étudié le rôle historique de la religion dans la politique et comment le religieux continue d’être employé pour légitimer la politique dans certaines sociétés. L’étude démontre qu’il est bien difficile d’échapper au passé.
« Les sociétés qui sont historiquement caractérisées par la croyance en des êtres supérieurs sont davantage portés à adopter des lois qui discriminent ou favorisent certains groupes de ces sociétés », mentionne Jeanet Sinding Bentzen, professeure associée au département d’économie à l’Université de Copenhague.
« Il pourrait y avoir des lois qui restreignent les droits des femmes ou interdisent l’homosexualité. Ou des lois sur le blasphème et les privilèges des organisations religieuses », a-t-elle ajouté.
La religion et les inégalités vont main dans la main
Dans le cadre de l’étude publiée dans le Journal of Economic Growth, Mme Sinding Bentzen et son collègue Gunes Gokmen ont recueilli des données sur la religion au sein de 1265 sociétés pré-modernes. Les chercheurs ont comparé ces informations avec les données actuelles concernant les lois religieuses dans 176 pays.
« La quantité d’informations nous permet de comparer des sociétés qui appartiennent au même groupe langagier, possèdent le même niveau de complexité, la même méthode de subsistance, le même niveau de développement, et qui sont situées sur le même continent », mentionne encore la spécialiste.
Même au sein de sociétés qui sont similaires en vertu de tous ces paramètres, les inégalités peuvent être bien plus importantes au sein d’une société qu’une autre, peut-on lire dans l’étude.
« Il est clair, en fonction des données, que les sociétés les moins égalitaires sont davantage portées à vouer un culte à des dieux qui sont attribués à un trait dominant. En moyenne, les dieux qui font la morale sont 30 % plus présents dans des sociétés où il existe d’importantes différences entre les classes sociales, comparativement aux sociétés plus égalitaires », soutient Mme Sinding Bentzen. « Les dieux moralisateurs et vengeurs sont bien plus efficaces comme moyens d’assurer le pouvoir, alors que les puissances qui ne peuvent punir ou interférer avec les actions des hommes sont inutiles, dans ce domaine. »
Dieu protège le dictateur
Les chercheurs ont aussi réalisé une autre découverte importante : dans les pays autocratiques, où le pouvoir est concentré entre les mains d’une seule personne, ou d’un très petit groupe de gens, il existe une tendance claire consistant à institutionnaliser la religion. Un autocrate peut ainsi légitimer son pouvoir en faisant référence au divin.
« La légitimité divine de la concentration du pouvoir au sein d’un très petit groupe de gens pourrait venir alimenter la persistance de l’autocratie, parce que ce petit groupe de décideurs reçoivent leur mandat d’exercice du pouvoir de la part d’une puissance supérieure, et donc n’a pas besoin de demander quoi que ce soit au peuple. De cette façon, le mandat religieux de l’autocrate est en opposition à la démocratisation », mentionne Mme Sinding Bentzen.
Les chercheurs observent un monde où la religion et les politiques populistes gagnent en popularité au sein de certaines sociétés. Pour cette raison, écrivent-ils, il est de plus en plus important de comprendre l’origine de telles tendances.
« Il y a de nombreuses études qui démontrent que la religion peut avoir un impact positif sur le bien-être général des gens, ainsi que dans des sociétés plus vastes. Notre recherche révèle qu’il y a aussi un envers à cette médaille », ajoute encore Mme Sinding Bentzen.
« La religion représente bien des choses. Si, pour certains, c’est un ensemble de croyance qui apporte du confort et de la force personnelle, pour les décideurs, elle peut être un outil pour obtenir un pouvoir sans concession. »