LecturesB, collaboration spéciale
Publié en 2023 chez L’Harmattan dans la collection Impliqués Éditeur, Le Trille du Diable est divisé en trois parties qui explorent la situation de trois pays différents : la République arabe unie, la République démocratique allemande et l’Égypte.
L’histoire commence avec la guerre israélo-égyptienne de 1967, au cours de laquelle le narrateur, le lieutenant Amin el Foda, est blessé. Le roman explore des sujets sensibles tels que la purge de l’armée et l’expulsion des Palestiniens, ainsi que la lutte contre les Frères musulmans menée par le président Abdel Nasser, un dictateur qui a régné de 1956 à 1970.
La première partie du roman est centrée sur la guerre israélo-égyptienne de 1967, pendant laquelle l’Égypte est battue par les technologies avancées d’Israël. L’un des personnages principaux, Amin el Foda, est blessé lors de cette guerre et partage une chambre d’hôpital avec le capitaine Mokhtar. La guerre est également un moment décisif pour le président Nasser, qui est très apprécié du peuple.
Après la guerre de 1973, l’auteur Nabil Malek brosse un portrait du général Farouk Tantawy. Tantawy est un héros de guerre de 1948 et 1956. Ce roman explore les aspects psychologiques et la santé mentale des militaires, en doutant parfois de leur équilibre mental. Selon Tantawy, la guerre a été perdue par manque d’espions, expliquant la défaite de l’Egypte face à l’Israël…
C’est pourquoi l’intrigue se déroule en République Démocratique Allemande (RDA), car le narrateur est envoyé en mission d’espionnage pendant deux ans. Il y rencontre Markus Wolf, chef de la Stasi, et Erich Mielke, ministre de l’intérieur. Ainsi, il doit faire face à la propagande du régime et aux méthodes de surveillance brutales de la Stasi.
L’ouvrage aborde également des thèmes tels que la trahison et la séduction : chez la Stasi, tout le monde s’épie, se surveille… Les méthodes d’espionnage incluent évidemment des rapports intimes avec l’ennemi et une bonne dose de mensonge.
L’une des forces du roman est la façon dont l’écrivain explore les événements historiques à travers les yeux des personnages fictifs. Cela permet aux lecteurs de se plonger de façon très immersive dans les événements et de les comprendre de manière plus profonde. L’écriture est également très fluide, se focalisant sur les émotions de ses personnages ultraréalistes et authentiques…
Puisque le roman est divisé en trois parties, concernant trois pays liés entre eux, le lecteur peut en apprendre plus sur l’Histoire. Même s’il s’agit d’un roman, les faits sont bien historiques et avérés. Au cours de son parcours, le narrateur est donc amené à voyager, à quitter l’Égypte pour la RDA – tout en y introduisant d’autres récits et rebondissements, qui se mêlent l’un en l’autre : meurtre, accusations de trahison, terrorisme… L’auteur Nabil Malek plonge son lecteur au cœur de l’âme humaine en période de crise. L’écrivain, à travers la figure d’Amin, explore les thèmes universels de la quête de soi, de la vérité, de la justice et de l’amour : les limites de l’espoir, trouver la lumière malgré l’ombre, et parfois admettre la noirceur de l’humanité.
Dans l’univers sombre de la police secrète
Le roman Le Trille du Diable se plonge dans l’univers complexe de la Stasi, la police secrète est-allemande, connue pour son efficacité redoutable et sa capacité à infiltrer les moindres recoins de la société. À travers les yeux d’Amin, le lecteur s’immisce dans les coulisses de cette organisation, ses méthodes brutales et son idéologie totalitaire.
En réalité, Amin est un personnage fascinant, qui représente à la fois l’étranger et l’ennemi, mais aussi l’homme en quête de sens. Il est confronté à un dilemme moral lorsqu’il découvre que la femme qu’il aime a été assassinée. Doit-il protéger ses collègues de la Stasi ou poursuivre son enquête pour faire la lumière sur ce crime ? Dans cette atmosphère oppressante, le lecteur doit avoir le cœur bien accroché car des scènes graphiques et des chapitres comprenant la torture psychologiques sont particulièrement difficiles à lire.
Au fil de cette histoire passionnante, Amin découvre les limites de son idéalisme et de sa foi dans le marxisme. Il est confronté à la réalité authentique de la vie sous le régime communiste, où la peur et la suspicion sont omniprésentes. Les amis d’hier sont les ennemis de demain. Ceux que l’on soupçonne sont parfois innocents. Il doit également faire face à ses propres démons intérieurs, notamment son passé de soldat dans la guerre des Six Jours, qui l’a particulièrement marqué.
Par ailleurs, les descriptions de Berlin dans les années 70 sont saisissantes, créant une ambiance vraiment étouffante et sinistre qui renforce le sentiment de danger et d’incertitude. On ressent la pression constante de la Stasi, qui guette chaque geste et chaque parole des habitants. Au fil des voyages des personnages, le lecteur tremble avec eux. Au-delà de son genre strictement « romanesque », cette œuvre invite à la cruauté dont les humains sont capables, dans un monde en mutation, où les idéologies s’affrontent et les valeurs sont remises en question.
Le Trille du Diable fait partie de ces romans que l’on n’oublie pas. D’une brutalité et d’une justesse sans égale, et qui vaut clairement le détour.