Adapté au cinéma, à la télévision, et même en jeu vidéo, il est étonnant que Dune, le livre de science-fiction le plus vendu à l’échelle planétaire, n’a jamais eu droit à un roman graphique, mais Brian Herbert, le fils aîné de l’auteur, remédie à la situation avec l’aide du scénariste Kevin J. Anderson et des dessinateurs Raùl Allén et Patricia Martín.
Publié en 1965, Dune de l’auteur Frank Herbert a été traduit dans une douzaine de langues et s’est écoulé à plus de 20 millions d’exemplaires, ce qui en fait le roman de science-fiction le plus populaire de tous les temps. Contrairement à la majorité des œuvres du même genre, l’intrigue s’attarde assez peu à la technologie de cet univers situé dans un futur lointain, et se concentre surtout sur les thèmes de l’écologie, de la religion et de la politique. C’est sans doute ce qui explique l’universalité de ce récit, qui n’a toujours pas perdu un iota de sa pertinence près de six décennies après sa sortie. Étant donné l’importance de sa dimension visuelle, le livre a été adapté au cinéma en 1984 par David Lynch et plus récemment par Denis Villeneuve, mais étonnamment, ce monument de la littérature n’avait pas encore eu droit à sa propre bande dessinée. C’est maintenant chose faite avec Dune, le roman graphique.
Le premier tome du roman graphique Dune introduit le monde dans lequel l’intrigue prend place et les forces en présence, à commencer par la maison Atréides : le Duc Leto, sa concubine Jessica, leur fils Paul, qui n’a que quinze ans, et leur garde rapprochée. Chargés par l’empereur Padishah Shaddam IV de gérer la production de l’épice sur Arrakis, ils quittent leur fief de Caladan et s’installent sur cette planète aride, où la population locale est opprimée depuis 80 ans par le régime des Harkonnen, les anciens régents. Sur place, les Atréides se retrouvent coincés dans un piège mortel se refermant peu à peu sur eux. Suite à l’assassinat du Duc et la prise de la ville d’Arrakeen par une armée ennemie, le second volume suit la fuite de Paul et de sa mère Jessica à travers le désert. Ceux-ci sont alors recueillis par les Fremen, une tribu nomade, et découvrent des secrets étonnants qui pourraient changer à jamais le destin de cette planète où l’eau est la denrée la plus rare, et la plus précieuse.
En collaboration avec l’auteur Kevin J. Anderson, Brian, le fils aîné de Frank Herbert, a étoffé l’œuvre de son père depuis les années 2000 à travers une vingtaine de romans se déroulant avant et après les événements de Dune. Le duo connaît donc très bien cet univers, et ils signent ici une adaptation très fidèle du classique, sans jamais prendre de libertés vis-à-vis du matériel original. J’ai toutefois trouvé que le roman graphique expliquait mal l’importance primordiale de l’épice, qui est pourtant le moteur même du récit. En effet, bien plus qu’une simple source de revenus, celle-ci sert de carburant aux vaisseaux spatiaux, et sans cette précieuse substance, l’empire, qui s’étend sur plusieurs galaxies, risque de s’effondrer. Les scénaristes mettent par contre une plus grande emphase sur certains détails que les films, faute de temps, se sont contentés d’effleurer ou ont carrément négligé, comme le fait que Paul, par le biais de sa mère, appartient indirectement à la lignée des Harkonnen.
La mise en image a été confiée à Raùl Allén et Patricia Martín, deux artistes ayant travaillé pour DC et Marvel, et leur style graphique s’inscrit dans la plus pure tradition des comics américains. Leur travail est professionnel et adéquat et leurs illustrations ne sont pas laides, loin de là, mais une œuvre de l’envergure de Dune aurait mérité une touche visuelle un peu plus créative et possédant davantage de panache. Dans le premier volume, soit par manque de temps, soit par paresse, ils utilisent régulièrement des couleurs pleines ou des dégradés en guise de décor derrière les personnages, et leur mise en page, proche du gaufrier, est très conventionnelle. Heureusement, les choses s’améliorent dans le second volume, avec des compositions un peu plus inventives. Ils se permettent à l’occasion de prendre une pleine page (ou une double) pour croquer des scènes spectaculaires, comme l’arrivée sur Dune, l’attaque d’Arrakeen, la fuite à bord d’un ornithoptère traversant une tempête de sable avec ses vents à 800 km heure, ou un ver géant émergeant du désert, mais ces images communiquant la dimension épique du récit sont assez rares.
Libérée des contraintes de temps et de budget auxquelles les versions cinématographiques ont dû faire face, on se serait attendu à ce que la mise en images du roman graphique soit un peu plus grandiose, mais au moins, grâce à un scénario empreint de respect pour l’œuvre originale, cette adaptation, qui se déclinera en trois tomes, devrait permettre à une nouvelle génération de découvrir ce chef-d’œuvre intemporel de la science-fiction.
Dune – Livre 1, de Brian Herbert, Kevin J. Anderson, Raùl Allén et Patricia Martín. Publié aux éditions Huginn & Munnin, 176 pages.
Dune – Livre 2, de Brian Herbert, Kevin J. Anderson, Raùl Allén et Patricia Martín. Publié aux éditions Huginn & Munnin, 176 pages.
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