La crise du logement n’est en rien sur le point de s’améliorer, et que cela soit au Québec, ailleurs au Canada, aux États-Unis, ou dans de nombreux autres pays du monde. Et devant cette dégradation des opportunités économiques et sociales fondamentales, Gabrielle Anctil propose de s’intéresser aux communautés intentionnelles, qui pourraient fort bien s’avérer être une solution utile… à condition de surmonter certains obstacles.
Confrontés à un mode de vie qui fait la part belle aux grandes maisons, mais aussi aux familles dites nucléaires (un père, une mère, possiblement deux enfants), les habitants de ces communautés intentionnelles se démarquent aisément. Qu’il s’agisse d’une commune, d’un cohabitat, d’un écovillage, ou d’une autre déclinaison du même concept central, l’idée consiste à non seulement recréer le « village » traditionnel, avec son entraide et sa mutualisation de certains biens, mais aussi de redonner vie à la notion de communauté, avec les échanges provoquer par le fait de côtoyer, jour après jour, des gens au parcours différent du nôtre.
Dans son essai publié aux éditions XYZ, Mme Anctil s’appuie sur son expérience directe au sein de l’une de ces communautés, baptisée La Cafétéria, où elle réside depuis 14 ans. Formée d’une série d’appartements partagés par une dizaine de personnes, cette communauté implique sans surprise une série de tâches ménagères réparties équitablement, comme l’obligation de cuisiner pour le reste du groupe (et avec des restants, s’il vous plaît!), mais aussi d’adopter un mode de vie plus écolo, moins dépensier, et davantage axé sur l’entraide, le partage et la compréhension de l’autre.
Plus qu’une colocation, cette idée de la communauté intentionnelle repose sur les échanges entre les membres; ces échanges, en fait, sont aussi sollicités pour établir les règles et les normes nécessaires afin d’assurer le bon fonctionnement de l’ensemble. Après tout, aucun « foyer » ne peut demeurer stable et solide si tout est décidé au petit bonheur la chance, à plus forte raison s’il ne s’agit pas d’un couple, mais plutôt d’un groupe d’une dizaine d’individus. Et si l’on pourrait croire que dans les communes et les communautés les plus idéalistes et utopiques, nul besoin d’avoir de règles, la réalité est tout autre, écrit Mme Anctil; selon les chercheurs et spécialistes cités par l’autrice, c’est en fait en n’établissant pas de structures que celles-ci s’établiront en quelque sorte par elles-mêmes, généralement uniquement au profit d’un petit groupe d’individus.
Tout cela est bien beau, mais cette idée de communauté intentionnelle n’est certainement pas pour tous, et Gabrielle Anctil est la première à le reconnaître. Après tout, non seulement rien ne garantit la bonne entente entre les membres, mais ajoutez à cela d’importantes embûches réglementaires – qui aurait cru que le modèle législatif s’articulait autour de la famille nucléaire? –, et vous obtenez généralement un taux de « succès » du lancement de ces communautés de l’ordre de 10 %.
Et donc, l’autrice a-t-elle écrit un essai entier pour ne parler que de sa propre expérience, expérience personnelle qui est teintée de passages plus difficiles et de remises en question, qui plus est?
Ce que Gabrielle Anctil propose, en fait, c’est une réflexion collective : après tout, il est clair que non seulement le modèle actuel ne fonctionne pas, avec ses loyers en forte hausse, ses taux de disponibilité de logements faméliques dans bien des villes, ses appartements neufs et maisons hors de prix et ses propriétaires qui ont bien souvent tendance à expulser leurs locataires pour relouer ou revendre à tarif bien plus élevé, mais que les solutions tardent à être mises en place.
Pourquoi, alors, ne pas repenser les structures dysfonctionnelles et s’engager dans la voie des communautés intentionnelles? Qui s’opposerait à l’idée de sortir les citoyens de leur isolement, tout en leur offrant un toit plus abordable, et situé généralement plus près des transports, des services et des commerces? Il est clair que ce modèle n’est pas fait pour tout le monde, mais Mme Anctil a certainement l’audace de jeter un pavé dans la mare.
Loger à la même adresse, de Gabrielle Anctil; publié aux éditions XYZ, 169 pages
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