Des experts de l’Imperial College de Londres réclament des gestes supplémentaires pour limiter l’impact potentiellement délétère, sur l’environnement et la santé humaine, des particules toxiques émises par la friction des pneus.
Ces chercheurs mettent en garde contre le fait que même si les véhicules électriques peuvent faire disparaître le problème des émissions polluantes liées aux carburants, il restera encore l’enjeu des matières particulaires provenant de l’usure des pneus.
Six millions de tonnes de particules sont ainsi relâchées chaque année à l’échelle mondiale; uniquement dans la capitale britannique, 2,6 millions de véhicules émettent environ 9000 tonnes de ces poussières et autres matières toxiques, sur une base annuelle.
Malgré tout, peu d’attention a été accordée aux recherches sur les impacts environnementaux et médicaux de l’usure, en comparaison aux démarches visant à s’attaquer aux émissions liées aux combustibles fossiles. Les chercheurs de l’Imperial College jugent qu’il faut donner la priorité aux effets des nouvelles technologies sur la production et l’impact de l’usure des pneus.
Dans une nouvelle note d’information, un groupe multidisciplinaire rassemblant des ingénieurs, des écologistes, des médecins et des analystes de la qualité de l’air ont réclamé de vastes investissements dans la recherche sur l’usure des pneus, soit autant d’argent que ce qui est consacré à la réduction des émissions des carburants.
« Les particules émises lors de l’usure des pneus viennent polluer l’environnement, l’air que nous respirons, l’eau qui s’écoule des routes, et tout cela a un effet cumulatif sur les cours d’eau et l’agriculture », soutient le principal auteur de l’étude, le Dr Zhengchu Tan.
« Nous pressons les décideurs et les scientifiques de se lancer dans une campagne de recherche sur cette pollution pour pleinement la comprendre et réduire son impact sur la biodiversité et la santé. »
Pour la professeure Mary Ryan, coautrice de l’étude, « protéger notre planète et assurer la santé des générations futures nécessite que nous nous attaquions à un problème selon plusieurs angles différents, à un niveau systémique. Voilà pourquoi nous devons aller au-delà du carbone et tenir compte de la pollution produite par les humains sous toutes ses formes ».
« Les véhicules électriques sont une étape importante pour décarboner les transports, mais nous devons nous attaquer à la situation dans son ensemble. Certaines personnes craignent que ces véhicules ne soient plus pesants, ce qui augmenterait l’usure des pneus. Voilà exactement pourquoi nous suggérons une nouvelle approche pour résoudre cet enjeu de durabilité. »
Nombreuses particules
À mesure que s’usent les pneus, ceux-ci émettent une vaste gamme de particules, allant des morceaux visibles de caoutchouc à des nanoparticules. Les « morceaux » les plus importants se retrouvent dans les cours d’eau à l’aide de la pluie, où ils peuvent relâcher des produits chimiques toxiques dans l’environnement. Les plus petites particules, elles, s’envolent et sont éventuellement respirées. Elles sont ainsi suffisamment petites pour atteindre les poumons.
Ces particules peuvent contenir une vaste gamme de produits toxiques, comme des hydrocarbones, des benzothiazoles, de l’isoprène, ainsi que des métaux lourds comme le zinc et le plomb.
Les particules provenant des pneus sont aussi une source importante de microplastiques dans les rivières et les océans, alors que dans les villes, affirment les chercheurs, l’usure des pneus pourrait représenter un risque environnemental jusqu’à quatre fois plus important que celui d’autres microplastiques.
Comme le mentionne un autre coauteur, le Dr Will Pearse, « les déchets des pneus ne se dégradent pas naturellement et vont plutôt s’accumuler dans l’environnement, en plus de pouvoir interagir avec d’autres substances polluantes, ainsi qu’avec des organismes biologiques. Le manque de connaissances à ce sujet fait en sorte qu’il est essentiel de se pencher sur ce dossier, afin de limiter la pollution de tous les types de véhicules ».
En ce qui concerne les effets sur la santé humaine, les spécialistes de l’Imperial College soutiennent que les données sont de plus en plus nombreuses à propos d’une série d’impacts négatifs, y compris des problèmes cardiaques, pulmonaires, liés au développement des enfants ou à la santé des systèmes reproducteurs, ou encore une hausse des risques de cancer.