Devancé de peu par sa fille, l’incomparable actrice Sandrine Kiberlain livre finalement son premier long-métrage et, à l’instar du plus que sublime Seize printemps de Suzanne Lindon, elle s’intéresse également aux déboires d’une pétillante jeune femme avec son effervescent Une jeune fille qui va bien.
Voilà un film qui surprend régulièrement. De fait, le registre d’une actrice comme Kiberlain, qui a pratiquement tout joué, est si grand qu’on ne pouvait passe sous silence le questionnement concernant les inspirations qui pourraient bien l’attirer.
Ainsi, on s’attaque au coming-of-age a priori typique d’une jeune femme volatile qui aime vivre coûte que coûte. Rebecca Marder s’acquitte d’ailleurs magnifiquement de la tâche de cette protagoniste à prendre au vol dans ses élans et ses maladresses, ses envies et désirs changeants.
Là où l’on surprend, c’est dans le côté film d’époque de la création. Alors que le long-métrage essaie de dépeindre la montée grandissante du nazisme et l’approche de la Deuxième Guerre mondiale dans un arrière-plan qui fascine, rarement frontal, comme un secret pour éviter l’inévitable. À mi-chemin entre un certain déni et une indéniable naïveté.
Certes, le soin apporté aux décors et aux accessoires est habile, mais on s’assure aussi d’y mêler des anachronismes souvent musicaux pour tenter de rendre intemporelles les situations et essayer de faire porter l’attention sur des éléments autres que ceux auxquels on pourrait s’attendre.
Il en devient aussi encore plus crève-coeur d’évoquer l’avenir, alors que l’on parle aussi de ces juifs dont le futur pourrait difficilement être plus incertain. Un peu comme si l’on voulait clamer haut et fort que l’intérêt tourne plutôt autour de l’esprit vif de cette jeune femme et ce qu’elle dégage, ce qu’elle inspire et comment elle respire, au détriment de son époque.
C’est un peu comme si l’on souhaitait la libérer des limites habituelles et de lui permettre de s’émanciper bien au-delà de son propre cadre ou de ce qui l’entoure, de démontrer qu’elle est plus que ce qu’on utiliserait pour la définir.
On fait ainsi grandement le tour de ses passions, que ce soit pour tous ces hommes pour qui elle craque, sa famille qu’elle aime plus que tout, même lorsqu’elle ne le démontre pas, ou encore ce désir d’être comédienne, cet amour pour le jeu.
Et on peut dire que la caméra de Kiberlain, aidée des images magnifiques du toujours très compétent et épatant Guillaume Schiffman, collaborateur régulier de Michel Hazanavicius, sait comment filmer son actrice, ses personnages et les situations. Tout comme du monteur François Gédigier, qui a travaillé pour des cinéastes aussi prestigieux que Amalric, Lapid, Chéreau et Desplechin, d’orchestrer les plans et les émotions. Des noms qui aident à développer l’expertise de ce premier long-métrage.
Il faut également souligner le doigté pour construire une montée peut-être pas toujours subtile, mais efficace, au service d’une finale forcément mémorable et qui viendra nous hanter.
On gardera aussi, au passage, l’excellence de la distribution à qui s’ajoutent les nombreux André Marcon, India Hair, Anthony Bajon, Françoise Widhoff, Cyril Metzger et on en passe.
Voilà donc un long-métrage qui n’accroche pas par originalité de sujet ou même de thématique, mais plutôt au niveau de l’approche, de la justesse et la sincérité de son écriture, mais surtout en matière d’assurance de sa réalisation. Un film qui prouve qu’après toutes ces années devant la caméra, Kiberlain avait finalement aussi beaucoup à raconter.
7/10
Une jeune fille qui va bien prend l’affiche en version originale sous-titrée en anglais en exclusivité au Cinéma du Musée ce vendredi 17 février.