Le success story de Denis Villeneuve est désormais indéniable, maintenant que son nom a du poids et du mérite non seulement à Hollywood, mais également à travers le monde entier. Toutefois, l’engouement pour son incursion dans la science-fiction avec Arrival fait office de lobotomie, un peu comme si on avait décidé d’oublier tout le cinéma d’avant, histoire de pouvoir encenser à tort ce qui est de loin son film américain le moins intéressant à ce jour.
Ne nous méprenez pas. Notre Denis Villeneuve de chez nous ne se dénature pas et il ne s’est toujours pas fait ingurgiter par la machine hollywoodienne. Son style demeure intact (un peu trop d’ailleurs) et on reconnaît rapidement sa signature et son style dans cette minutie précise, lente et humaine, priorisant l’inconnu et la surprise. Mieux, tous ses tiques et ses thèmes y sont et on sent clairement encore sa fascination pour la dualité entre le sujet face à son ensemble.
Malheureusement, il est inconcevable que n’importe qui ayant vu un film de science-fiction, n’importe lequel au courant de sa vie, puisse ressortir ne serait-ce que chamboulé ou, pire, surpris, tellement la faille habituelle des films de Villeneuve s’avère plus évidente et prononcée que jamais: son scénario. On dira ce qu’on en voudra, si ses œuvres sont toujours pratiquement impeccables d’un point de vue technique, disons que l’écriture cloche toujours avec des fils blancs nombreux et des raccourcis constamment plus douteux au fil des réflexions (parlez-en au dernier acte de Prisonners).
Si l’élégance du film est évidente, sans Roger Deakins, disons que la direction photo du tout de même doué Bradford Young en perd un coup, et avouons que Jóhann Jóhannsson ne livre pas ses compositions les plus inspirées du côté musical alors qu’en contrepartie, même les effets spéciaux s’avèrent ordinaires, et les « créatures » particulièrement hideuses (c’est peu dire, mais même le poisson de Maelström avait plus de punch).
C’est que le film nous refait le coup de tout ce qu’on a vu précédemment, de War of the Worlds à Close Encounters of the Third Kind, en nous présentant l’arrivée d’une entité inconnue, indubitablement extra-terrestre. Seulement, l’approche est cérébrale et l’expérience foncièrement psychologique, faisant abstraction de toute action et réduisant au minimum le suspense volontairement discret. Bien sûr, rien n’est de la trame de l’imbattable Under the Skin, comme on reste toujours très près des conventions, en abordant le tout d’un point de vue humain, trop humain probablement.
C’est là que le personnage de Louise (ils vont s’arranger pour que vous n’oubliiez jamais son nom), entrera en cause en se montrant le centre, le cœur et toute l’importance du film et, Dieu merci, Amy Adams a tout le talent nécessaire pour tenir le film debout. Malheureusement pour elle, Jeremy Renner, plus insupportable que jamais en bouffon de service, est inutile à ses côtés et parvient pratiquement à faire oublier les lacunes de l’histoire avec ses simagrées.
Toutefois, penser cela c’est sous-estimer le manque total de subtilité de Eric Heisserer (scénariste plutôt inconnu ayant collaboré à bon nombre de films d’horreur incluant le cinquième Final Destination, le remake de A Nightmare on Elmstreet et plus récemment le convenu Lights Out), alors qu’il a envie, dans cette adaptation de la nouvelle Story of Your Life de Ted Chiang, d’appuyer avec insistance toutes les poulies de son scénario au fur et à mesure que celui-ci avance.
Puisque voilà, Arrival se veut très intelligent et il s’en vante constamment. Il a envie de révolutionner à la fois le genre et le cinéma sans se rendre compte qu’il ne fait que copier tous ses confrères. De JJ Abrams qui a offert le même effet de surprise narrative il y a près d’une décennie auparavant, avec la télésérie Lost, jusqu’à Christopher Nolan en livrant ce qui est sans conteste un Interstellar inversé, on trouve ici le film le plus prévisible depuis longtemps où, si les indices n’étaient pas aussi grossiers, on sentait également le besoin de nous surexpliquer à l’usure tous ses tours de passe-passe qu’on avait déjà deviné des millénaires plus tôt.
Particulièrement quétaine et convenu, trop lent pour cette chute aussi absurde, lourd en symbolisme, paraissant plus long que ses deux heures, Arrival perd sa crédibilité au fil des scènes et, en tant que Montréalais, c’est encore plus difficile d’y croire alors que des enjeux majeurs se passent tantôt à l’Université de Montréal, tantôt à la Place des Arts.
Par moment ridicule à en pleurer de rire, Arrival essaie donc de moderniser la science-fiction qui a déjà eu plusieurs cures de jeunesse dans les dernières années, et d’apporter un regard qui va au-delà de la science pour apporter un côté émotif non négligeable. C’est beau, c’est valable, mais c’est trop simple et c’est même raté. À force de vouloir pousser l’exclamation, la surprise et les émotions tout comme les larmes de son public, voilà un film qui finit par en oublier l’expérience cinématographique, engloutissant rapidement toutes les tentatives de Villeneuve de transformer le tout en expérience sensorielle, en un essai sirupeux convenu.
Il faudra alors en expliquer l’affection et l’intérêt pour un film qu’on aura déjà vu des centaines de fois, et ce, avec beaucoup plus de doigté, n’en déplaise à notre cher Denis Villeneuve dont on regarde encore le Sicario avec toujours autant d’admiration.
6/10
Arrival prend l’affiche en salles ce vendredi 11 novembre 2016.
Un commentaire
Je suis tellement pas d’accord avec votre critique. 96% des autres critiques non plus d’ailleurs. Ce film est tout simplement magistral et touchant. On s’en reparlera à la prochaine cérémonie des Oscars…