Depuis le début de la guerre en Ukraine, il y a bientôt un an, un nouveau groupe de « touristes de guerre » a fait son apparition : ceux qui mènent l’offensive le long d’une ligne de front virtuelle.
Une nouvelle étude réalisée par des chercheurs de l’Université de Portsmouth a permis de constater que le tourisme de guerre, qui regroupait habituellement les gens se rendant dans des zones de guerre passées ou actuelles, se double maintenant d’un volet virtuel.
Des chercheurs ont ainsi évalué des données provenant de la section « Volontaires pour l’Ukraine » de l’agrégateur de contenus Reddit, qui a été mise sur pied le 25 février 2022, au lendemain de l’invasion de ce pays par la Russie. Deux semaines plus tard, ce forum comptait environ 44 500 membres.
Le principal auteur des travaux, le Dr Nigel Williams, affirme que « le tourisme de guerre a une longue histoire, avec des voyageurs visitant des champs de bataille, des lieux de mémoire, des musées, des prisons ou des zones de guerre actives. Par le passé, nous avons vu des touristes de guerre qui voulaient se rendre sur place et combattre dans le cadre d’un conflit, ceux qui voulaient jouer un rôle humanitaire, et ceux pour qui tout cela avait plutôt un côté « recherche de l’aventure » ».
« Mais ce que nous voyons, maintenant, est l’émergence d’une tendance, pour les touristes de guerre, consistant à être impliqués de façon virtuelle, en contrant la désinformation, en offrant du financement et en mettant certains enjeux de l’avant, le tout à partir du confort de leur foyer. La présence d’activités militaires hybrides, comme le fait de faire campagne sur les médias sociaux en faveur de l’application de sanctions, a diminué l’ampleur des conditions minimales en matière d’observation et de participation. »
Le Dr Williams a pu mettre la main sur 20 000 messages publiés sur ce forum, au cours du premier mois du conflit, et a constaté que les internautes participants étaient engagés dans des activités qui pourraient être perçues comme le fait de combattre des tactiques hybrides non guerrières, comme la lutte à la propagande et le fait de contrer les « trolls russes » et donner de l’argent à des causes humanitaires, en plus de fournir des informations importantes aux réfugiés ukrainiens.
Toujours selon le chercheur, « l’activité sur les médias sociaux, l’activité dans les médias traditionnels, l’imposition de sanctions, la collecte de fonds… Tout cela fait partie de la guerre moderne, ce qui signifie que les conflits ne sont plus seulement à propos d’un contact face à face, pas plus qu’ils ne sont contraints pas la géographie. Nos conclusions confirment que la lutte contre la guerre hybride s’est étendue au domaine virtuel, où les internautes peuvent modeler les perceptions et mobiliser des ressources ».
L’étude, publiée dans The Journal of Travel Research, souligne l’existence d’une relation complexe entre le tourisme de guerre, le volontariat et le voyeurisme, sous la forme d’un « tourisme de guerre hybride ».
Le Dr Williams ajoute que « les forums publics comme Reddit peuvent faire en sorte que les gens soient à risque d’être radicalisés. Vous ne savez pas à qui vous parlez, en ligne – cela pourrait être un agent russe ou un soldat ukrainien. D’autres recherches pourraient permettre de mieux comprendre ces concepts et les liens complexes qui les unissent ».