Sur une petite île, l’un des chefs les plus connus du monde organise une nouvelle soirée gastronomique qu’on devine être de renommée internationale. Après tout, si le repas est offert à 1200 $ par convive, on peut deviner que le repas devrait être agréable. Du moins, la chose est habituellement agréable, car dans The Menu, l’événement culinaire laissera un goût définitivement amer dans la bouche des invités.
Réalisé par Mark Mylod, qui est responsable de films aussi mémorables qu’Ali G Indahouse, mais surtout de 13 épisodes de la série Succession, The Menu sera en partie familier aux cinéphiles ayant déjà vu Midsommar: dans les deux cas, on assiste à une sorte de cérémonie, avec son rituel complexe, et ses conséquences néfastes pour certains spectateurs.
Ici, toutefois, il ne s’agit pas de touristes américains se trouvant au mauvais endroit, au mauvais moment, mais plutôt d’une brochette de gens représentant le pire du monde de la gastronomie : les investisseurs véreux, les critiques blasés et aux mots parfois mortels, les vedettes qui prétendent connaître quelque chose à la bouffe, les riches qui peuvent tout se permettre… Sans oublier les passionnés qui obsèdent sur les plus petits détails qui soient, sans rien ajouter à l’art, et sans vraiment comprendre ce qui fait la magie d’un bon repas.
À travers tout cela, nous avons Margot, jouée par Anya Taylor-Joy, qui représente en quelque sorte le public, un genre d’ingénue qui débarque dans cet univers de haute gastronomie sans trop y connaître quoi que ce soit, mais aussi sans être « contaminée » par le snobisme et les mentalités touchées par des décennies de sophistication inutile.
Et de l’autre côté, il y a le chef, Julian Slowik, aussi dépressif qu’ambitieux, joué par un Ralph Fiennes qu’il est depuis longtemps inutile de présenter. Et à travers chaque service, chaque remarque un peu plus autodestructrice, chaque claquement des mains aux allures de commandement sectaire, le personnage de l’acteur britannique brille à la foie par sa folie contenue, mais aussi par sa froide détermination. C’est un homme qui s’est donné une mission, et rien ne pourra l’empêcher d’accomplir cette dernière.
À mesure que les minutes de The Menu s’égrènent, et que l’on plonge peu à peu dans l’horreur et la folie, on en vient toutefois à se demander si ce film est bien fait pour nous; nous, les gens qui aimons la bonne chère, mais jamais au point de prendre une nouvelle hypothèque. Après tout, ce monde de l’obsession, avec ses ingrédients moléculaires et ses critiques capables de juger de la qualité d’une émulsion, va potentiellement au-delà de notre zone de confort, et de notre intérêt.
Et donc, même si on peut comprendre pourquoi le chef Slowik déciderait de tuer une douzaine de personnes pour se venger d’une carrière entière de tourments, le film se termine et l’on se dit que The Menu est bien, mais pas renversant. Après tout, il faudra bien aller préparer le souper, ensuite.