Créée en 1879, Une maison de poupée du Norvégien Ibsen provoqua une onde de choc dans les mentalités de l’époque. Une épouse se devait alors d’être soumise à son mari, de demeurer inférieure intellectuellement, mais coquette et élégante, et dévouée à ses enfants. Or dans la pièce, ce rôle ne convient pas à Nora mariée à Torvald. Elle ne se sent pas comprise, pas suffisamment aimée, elle aspire à la liberté et elle quitte son directeur de banque de mari ainsi que leurs trois enfants qu’elle laisse à la nourrice qui fait partie de la maison.
Critique des rôles traditionnels des hommes et des femmes dans l’institution sacrée du mariage, la pièce d’Ibsen fut souvent jugée scandaleuse à l’époque. Aujourd’hui, elle est poursuivie dans Une maison de poupée, 2e partie de Lucas Hnath, sortie à Broadway en 2017 et présentée actuellement au théâtre du Rideau Vert, à Montréal. L’action débute donc 15 ans après le départ de Nora. Elle a pris de l’âge, de la maturité et de l’embonpoint. Elle revient dans son ancienne maison. Mais pourquoi donc?
Dans un décor assez simple, on aurait pu espérer mieux, mais dans de très beaux costumes, particulièrement soignés, trois des membres de la famille sont confrontés au choc du retour de Nora.
La nourrice d’abord, elle fait partie de la famille, et c’est elle qui a été prévenue du retour de l’épouse par courrier; le mari bien sûr, qui face à l’épreuve de ce retour a quelques moments d’absence et a besoin d’un temps avant de la reconnaître, et la fille, la plus jeune des trois enfants du couple. Quinze ans après le départ de sa mère, Emmy est devenue une jolie et intelligente jeune fille prête à se marier elle-même, et elle ne conserve aucun souvenir de cette femme qui l’a abandonnée sans jamais plus donner de nouvelles, à elle et à ses deux grands frères.
Ce ne sont pas seulement les thèmes du mariage et des rôles respectifs des hommes et des femmes dans cette institution sacrée à l’époque, qui sont abordés dans cette pièce, mais aussi la question du couple et de l’amour, de la responsabilité vis-à-vis des siens, du besoin de liberté de se réaliser ailleurs qu’au sein d’une famille. Car le plus intéressant, selon moi, réside dans le thème qui consiste à imaginer – et dans le cas de Nora, à observer – l’effet et la marque que peut avoir causé notre absence sur la vie des autres qu’on a quittés.
La pièce est très bien interprétée par des acteurs tous brillants. Elle est bien menée. Ses dialogues sont légers et souvent drôles. Il n’y a aucun jugement de valeur, aucun parti pris pour l’attitude des uns ou des autres. Seulement la juxtaposition de points de vue sur le comportement de Nora, y compris le sien propre, car c’est l’occasion pour elle de revenir sur son choix de vie. La pièce nous montre la manière dont l’existence se met ou se remet en place pour les uns et les autres, les gains et les pertes subis, car il y en a pour tous les protagonistes.
Ce qui ne devait être qu’un retour éphémère et orienté vers un objectif précis pour Nora, la marquera sans doute pour le restant de ses jours.
Une maison de poupée, 2e partie
Une pièce de Lucas Hnath
Traduction : Maryse Warda
Mise en scène : Marie-France Lambert
Avec : Paul Ahmarani, Louise Laprade, Macha Limonchik et Rebecca Vachon
Une maison de poupée, 2e partie, du 24 janvier au 25 février 2023 au théâtre du Rideau Vert, à Montréal