Avec Le storyboard de Wim Wenders, Stéphane Lemardelé nous offre un regard privilégié sur la préparation et le tournage du film Every Thing Will Be Fine, ainsi que des entretiens forts éclairants avec le cinéaste, à qui l’on doit de nombreux classiques du cinéma.
En janvier 2014, Wim Wenders, le réalisateur de Paris, Texas, de Buena Vista Social Club et des Ailes du désir, débarque au Québec pour tourner son premier film en 3D. Intitulé Every Thing Will Be Fine, l’intrigue raconte la recherche de pardon d’un écrivain en mal d’inspiration qui, suite à une dispute avec sa compagne, part sur une route enneigée et tue accidentellement un jeune garçon.
Le long-métrage compte une distribution internationale, avec notamment James Franco, Charlotte Gainsbourg, Marie-Josée Croze, ou Rachel McAdams. Stéphane Lemardelé est embauché comme storyboarder pour la séquence d’ouverture de treize minutes. À cause du froid québécois et des nombreux défis techniques, cette étape est absolument cruciale à la réussite du tournage. Il partage maintenant son expérience sur le plateau, ainsi que les nombreux échanges qu’il a eus avec le cinéaste, dans Le storyboard de Wim Wenders.
Abordant les liens directs entre le cinéma et la bande dessinée, Le storyboard de Wim Wenders se situe quelque part entre le Making of et la série d’entrevues. Stéphane Lemardelé nous entraîne dans les coulisses du tournage de Every Thing Will Be Fine et illustre comment est créé un scénarimage (ou storyboard en anglais), un outil essentiel pour prévisualiser les scènes et planifier à l’avance les placements de caméras, mais il partage aussi plusieurs conversations qu’il a eues avec le cinéaste. On en apprend donc davantage sur les débuts de Wim Wenders, ses influences ou sa démarche. Le réalisateur y aborde des sujets aussi variés que la nature du numérique, l’évolution de l’image à travers les siècles, des fresques peintes sur les murs des grottes à Instagram, ou l’importance de filmer les lieux avant qu’ils ne disparaissent, comme le Pont de glace d’Oka dans ce cas-ci, menacé par le réchauffement climatique.
Avec ses Illustrations douces qui semblent peintes plutôt que dessinées et une coloration tout en subtilité, la signature graphique de Stéphane Lemardelé dans Le storyboard de Wim Wenders est très agréable à l’œil, qu’il esquisse des lieux emblématiques de Montréal ou les paysages enneigés d’Oka. Tout comme Wenders dans ses films, il prend le temps de croquer les images banales du quotidien pour agrémenter ses têtes parlantes : un cuisinier préparant le repas au restaurant, des bottes d’hiver séchant sur le tapis d’entrée, une personne faisant son jogging sur la rue. Il reproduit dans son propre style des tableaux célèbres, dont le Nighthawks d’Edward Hopper et La jeune fille à la perle de Johannes Vermeer, ou des scènes de films (Floating Weeds de Yasujirō Ozu, Fahrenheit 451 de François Truffaut). Il insère également les pages de son storyboard en tant que telles à travers l’album.
Quiconque apprécie le cinéma en général (et le travail de Wim Wenders en particulier) dégustera ce roman graphique, qui nous permet d’apprendre comment sont conçus les storyboards, et à quel point ils sont utiles pour réaliser la vision des cinéastes.
Le storyboard de Wim Wenders, de Stéphane Lemardelé. Publié aux éditions La Boîte à Bulles, 160 pages.