Doit-on absolument accomplir quelque chose d’extraordinaire, afin de laisser une trace indélébile de notre passage sur cette planète? Dans Living, un drame réalisé par Oliver Hermanus, on explore ainsi cette notion de bonté et de gentillesse, mais sans toutefois remuer ciel et terre pour immortaliser sa propre existence.
Adapté du long-métrage japonais Ikiru, lui-même basé sur le roman La Mort d’Ivan Ilitch, de Tolstoï (rien de moins!), Living met en scène Rodney Williams, responsable d’une petite équipe au sein du labyrinthique département des travaux publics, à Londres. Fonctionnaire discret, efficace, mais aussi particulièrement froid et distant, cet homme âgé a peu à peu laissé la routine et la monotonie empiéter sur sa vie, au point de ne pas sembler savoir comment apprécier les bonnes choses ou simplement s’amuser.
Voilà pourtant qu’il apprend, un beau jour, qu’il souffre d’un cancer et qu’il n’a plus que six mois à vivre. C’est alors que pour cet homme ordinaire, empêtré à un point tel dans les structures sociales et masculines de l’époque qu’il éprouve toutes les misères du monde à converser avec son fils, avec qui il vit pourtant, tout se mettra à changer.
Déterminé à laisser sa trace, à profiter des derniers moments de son existence, Williams cherchera à poser un geste, n’importe lequel, pour faire mentir sa réputation de « zombie », à moitié mort, à moitié vivant.
Mais si un film classique, généralement américain, nous montrera notre protagoniste en train de faire des pieds et des mains pour accomplir un « miracle », que ce soit une grande action symbolique, ici, Living propose une introspection tout en douceur, un regard porté vers l’intérieur. Et qui d’autre que le grand, très grand Bill Nighy pour interpréter ce rôle subtil et délicat?
Certes, on avait vu Nighy en crooner tout aussi has been que déjanté dans Love Actually, ou encore en beau-père acariâtre dans Shaun of the Dead… Mais c’est surtout un homme qui est justement capable d’intérioriser les rôles qu’on lui confie afin d’en tirer sa propre interprétation. Et ici, le résultat est magistral : sans dialogue superflu, on devine toute la détresse d’un homme qui a peu à peu été avalé par le système, qui a été submergé par la vague d’une société conformiste – l’Angleterre des années post-Deuxième Guerre mondiale n’était pas spécialement connue comme étant folichonne, on va se le dire .
Voilà donc cet homme qui a des allures d’archétype du gentleman anglais, avec sa lèvre supérieure rigide, son costume rayé et son chapeau. Mais à l’intérieur de lui-même, il aspire à plus.
Film qui sait prendre son temps, film magnifique dans sa simplicité et dans son efficacité, Living est un message de tendresse et d’amour à tous ceux qui font une différence. Qui ne changent peut-être pas le monde, du moins, pas de façon démesurée, mais qui contribuent constamment à tenter de l’améliorer peu à peu, même si l’inertie du système peut faire peur.