Il aura fallu près de 15 ans pour que l’irremplaçable cinéaste James Cameron livre enfin la suite très attendue à son révolutionnaire Avatar, intitulée The Way of Water, une mégaproduction aussi impressionnante et limitée que son prédécesseur, de quoi ravir les fans de la veille, mais pas vraiment ceux qui n’y croyaient déjà pas beaucoup.
Bien qu’encensé de façon généralisée par l’industrie et par le public – le long-métrage fut récompensé d’ailleurs par trois Oscars pour un total de neuf nominations –, les critiques envers le mastodonte de James Cameron étaient quand même nombreuses et le sont encore, principalement envers son scénario, simpliste, largement handicapé d’un message écologique boiteux, mais aussi largement calqué sur un certain Pocahontas.
Reconnu pour être têtu et provenant clairement d’une autre époque, en plus de s’être fait de plus en plus rare (Cameron n’a absolument rien offert dans l’attente, se concentrant uniquement sur les suites de son bébé), le cinéaste n’est certainement pas revenu pour réparer les pots cassés, au contraire.
De fait, sans nécessairement faire plus, voilà une suite qui ne veut pas vraiment faire mieux. Elle veut plutôt seulement « faire », différemment peut-être, mais elle veut certainement refaire les choses comme elles étaient sans les transcender, sans aller au-delà. D’ailleurs, les collaborateurs s’avèrent interchangeables, sans faire montre de relief dans ces différences, comme en fait foi l’arrivée de Simon Franglen à la musique, qui reprend les rênes de feu James Horner – ou encore de ses retrouvailles aux images avec le collaborateur de longue date Russell Carpenter, qui avait toutefois cédé son siège à Mauro Fiore au premier tour et qui était reparti avec l’Oscar.
Connu pour les excès, James Cameron, ce spécialiste des « blockbusters », continue de persister et de signer, et suivant son indéfectible élan, offre ses grandes durées, ses étourdissantes et bruyantes scènes d’action, en passant par un désir toujours grandissant de repousser les possibilités de la technologie.
Et si l’on remet ce qui revient à César, il faut admettre que ça prendrait beaucoup de mauvaise foi pour ne pas au moins apprécier la grandiloquence du spectacle qui se déploie sous nos yeux. Oui, le High Dynamic Range, on ne s’y fait jamais vraiment, et les mouvements en souffrent régulièrement (tout comme plusieurs séquences incluant beaucoup de moments de la finale qui semblent tout droit sortis d’un jeu vidéo), mais côté immersion et surtout côté utilisation de la technologie IMAX 3D, il n’y a pratiquement pas d’équivalent.
Et quelle belle idée, aussi, de se tourner vers les possibilités aquatiques, cette fois-ci. On réalise rapidement qu’avec le premier volet, Cameron a tellement exploré la terre et les airs qu’il en a atteint un ennui palpable et évident, ce qui se fait sentir durant la première heure de la suite.
Las, il filme avec peu d’excitation les avancées de son histoire, puisqu’on connaît déjà tout ce qui se déroule devant nos yeux. Un peu comme un devoir, une obligation qu’il se donne pour nous pousser à nous refamiliariser avec l’univers que beaucoup n’ont pas revisité depuis sa sortie en 2009. Sauf que son regard et le nôtre changent de façon draconienne une fois qu’il se permet et nous permet enfin de découvrir de nouvelles contrées. Ce plaisir de la découverte, c’est celui-là même qu’on avait ressenti avec émerveillement lors de notre premier contact avec Pandora et c’est aussi celui qu’on revit avec fascination en apprenant à connaître les nouvelles créatures et les nouveaux territoires qu’il place sur notre chemin.
Dommage, alors, qu’à l’instar du premier volet, même si on y a ajouté deux scénaristes, que tout ceci soit au service d’un scénario et de personnages peu intéressants.
Comment en faire autrement dans cette gloire au patriarcat où Jake Sully, désormais chef du clan des Na’vi, espèce dont il a maintenant les attributs, essaie de fuir son destin, alors que le même méchant du premier film veut lui faire la peau.
La différence, cette fois? Cet être cruel et sanguinaire est affaibli par un fils qui vient mélanger ses émotions et ses allégeances. Un récit unidimensionnel où l’importance du père est capitale et où les personnages féminins ont bien peu à se mettre sous la dent, autrement que de justement montrer leurs crocs pour bien illustrer leur mécontentement qui revient assez régulièrement.
De quoi se désoler pour Zoe Saldana, qui voit son rôle perdre en intérêt, mais aussi pour Kate Winslet, qui revient dans l’univers de Cameron plus de deux décennies après Titanic. Et que dire de Sigourney Weaver en adolescente qui ne fait que rouler des yeux, ou la présence inexplicable de Edie Falco…
Il y aussi ces dialogues bêtes à pleurer, principalement lorsqu’ils sont issus de la narration en voix off du protagoniste, et ce dernier acte où Cameron semble littéralement nous refaire le coût du gros bateau qui coule pendant des heures.
Avatar : The Way of Water est donc un grand spectacle. Ce grand spectacle est par ailleurs très long, en dépassant la barre des trois heures. Il est, enfin, exactement ce que s’attendaient de retrouver tous ceux qui réclamaient le film avec insistance.
À partir de là, les spectacteurs devront décider s’ils replongent ou non dans l’univers de Pandora, comme dans une bulle sécurisante où, pour le meilleur ou pour le pire, absolument rien n’a vraiment changé.
Et disons que face au manque criant d’enjeux, sauf le fait de faire croire que tout restera statique, sans transformations, on se demande vraiment comment on essaiera de nous refaire le coup dans les suites pourtant déjà annoncées.
6/10
Avatar: The Way of Water prend l’affiche en salle ce vendredi 16 décembre. Plusieurs représentations ont lieu ce jeudi.