La place des gays au septième art n’est pas chose facile et si la représentation est un aspect capital dans cette lutte, c’est aussi là où il semble y avoir le plus de maux à panser. Comme quoi vouloir donner de la visibilité n’est pas suffisant, si cette dernière pose problème dans son message, ce qu’on apprend à nos dépends durant le visionnement du sympathique, mais très décevant, Spoiler Alert.
Contourner ou déjouer les stéréotypes et les clichés n’est pas chose facile. Il ne s’agit pas d’une jolie et larmoyante histoire, même si elle est vraie, surtout si c’est pour marteler le concept problématique que les homosexuels n’ont pas droit au bonheur et que si c’est le cas, ils sont mieux d’en profiter car celui-ci n’est certainement pas là pour durer.
Et pour ceux qui pensent, comme le titre l’indique, faire face à des divulgâcheurs, soyez quand même rassurés, puisque ce n’est un secret pour personne que l’un des personnages principaux meurt d’ici la fin. Il s’agit quand même d’un récit inspiré de l’histoire du critique et journaliste Michael Ausiello et de sa relation douce, mais condamnée, avec l’homme de sa vie, adapté du roman du même nom légèrement écourté.
Drôle de destin, aussi, pour le cinéaste du film Michael Showalter, lui qui a débuté allègrement sa carrière de réalisateur en tournant en dérision plusieurs clichés du genre romantique avec le méconnu The Baxter, pour finalement y trouver son principal créneau. Il n’est aussi pas surprenant qu’après avoir échoué dans ses tentatives de livrer un film clairement fait pour viser les cérémonies de récompenses, soit The Eyes of Tammy Faye – tout de même récipiendaire de deux Oscars, mais pas nécessairement pour son travail, en plus d’être un grand échec commercial – il soit retourné vers son plus grand succès jusqu’à présent en en recréant pratiquement la combinaison et la recette avec exactitude.
Si l’on parle d’une romance qui bat de l’aile, mais qui se voit revampée par l’apparition d’une maladie sérieuse, en plus d’inclure dans le portrait les parents a priori fermés, mais finalement bien ouverts d’esprit de la personne souffrante en question, il est plutôt difficile de déterminer si l’on parle vraiment du savoureux The Big Sick ou du fortement inférieur Spoiler Alert, tellement les deux partagent à quelques différences près le même synopsis.
C’est également plutôt dommage de voir apparaître un tel film à peine quelques mois après le truculent Bros où, avec panache et fraîcheur, Billy Eichner et Nicholas Stoller ont travaillés extrêmement fort pour concevoir une comédie romantique aussi hilarante qu’originale se déroulant non seulement dans la communauté gaie, mais aussi qui rende honneur au milieu à la fois en s’avérant juste dans sa représentation, mais aussi en gardant l’intérêt sur l’espoir, le positif et la romance face à des enjeux réalistes qui soient loin d’être voués au drame absolu.
D’ailleurs, presque tout ce qui est décrié dans Bros face à la représentation des homosexuels à Hollywood, ou même au cinéma en général, est présent sans la moindre once d’ironie dans Spoiler Alert. Ajoutez à cela, pas nécessairement des acteurs hétéros qui jouent des homosexuels (ça aurait été le bouquet!), mais un comédien approchant la cinquantaine qui doit interpréter quelqu’un dans la vingtaine et la trentaine. On ne s’y fait jamais vraiment, surtout qu’il aurait été fort possible de trouver un acteur qualifié en âge et en genre, surtout considérant que Parsons ne lui ressemble pas nécessairement tant que ça.
Bien que charismatique, Ben Aldrige est gardé jusqu’à la toute fin comme idéal amoureux en paraissant toujours très désirable alors qu’il devrait combattre une maladie incurable. On accepte par contre les retrouvailles du cinéaste avec Sally Field, avec qui il avait livré le mignon Hello, My Name is Doris, surtout considérant sa merveilleuse chimie avec l’irrésistible Bill Irwin.
Pour le reste, Showalter est décidément sur le pilote automatique (lui qu’on aime davantage lorsqu’il donne dans la justesse ou la folie, comme en faisait foi le délirant et désopilant The Lovebirds ou même l’équilibre des deux) et le scénario de David Marshall Grant et Dan Savage pourrait difficilement être plus en surface et exempt de véritables idées singulières comme tout ce que le film essaie est peu convaincant incluant ces intermèdes liant la réalité à une sitcom fictive ou ces parallèles avec le monde de la télévision duquel le protagoniste est obsédé. Il est d’autant plus dommage qu’à l’inverse encore une fois de Bros, que ces deux scénaristes pourtant issus de la communauté, ne soient pas mieux parvenus à en parfaire la représentation.
Certes, c’est une histoire à laquelle il est très difficile de rester insensible et le long-métrage convenu s’écoute néanmoins assez fluidement. Principalement parce que les véritables douleurs sont rapidement cicatrisées et qu’on aseptise énormément les noirceurs du récit.
Spoiler Alert saura répondre aux attentes de ceux qui se rendront voir le film en connaissant les grandes lignes de l’oeuvre, mais qui ne souhaitent pas être confrontés dans leurs idées.
Le film ne trouvera certainement jamais le moyen de transcender quoique ce soit, ni d’aider sa cause, en essayant seulement de rassembler par empathie et de prêcher par plusieurs excès de mélodrame, difficilement ancré à mi-chemin entre un humour discutable et des émotions aussi manipulées que forcées.
5/10
Spoiler Alert prend l’affiche en salles ce vendredi 9 décembre.