Fendre les bancs de neige au guidon d’un deux-roues pour aller et venir au boulot? Irréaliste au Québec, entend-on encore souvent. Pas si vite, analyse le Détecteur de rumeurs.
1. Il fait trop froid
À Oulu, en Finlande, environ 12 % de tous les déplacements pendant la saison froide sont réalisés sur deux roues. Et environ un cycliste sur deux pédale 365 jours par année, même par -20 degrés Celsius et moins. Pas surprenant qu’elle soit considérée comme la capitale mondiale du vélo d’hiver.
Le journal britannique The Guardian s’était livré en 2016 à une comparaison avec Winnipeg: ses hivers sont proches de ceux d’Oulu — durée d’ensoleillement, températures au thermomètre, jours avec de la neige au sol— mais la capitale du Manitoba est davantage représentative de ce qu’on retrouve ailleurs en Amérique du Nord. La part modale du vélo y est marginale comparativement à celle de l’automobile. Seuls quelques prétendus « extrémistes » enfourchent leur bicyclette en hiver. Ils ne sont pas aidés par le fait que l’entretien hivernal des infrastructures cyclables est pratiquement inexistant.
Montréal n’atteint pas le niveau d’Oulu, mais le nombre croissant de cyclistes l’hiver démontre que le froid n’est pas un empêchement. Un rapport de Vélo Québec évaluait à 13,6 % le nombre de cyclistes qui avaient poursuivi leurs sorties pendant l’hiver 2020-2021. C’est donc dire qu’un cycliste montréalais sur sept continue de rouler au cours de la saison hivernale.
D’autres villes européennes — surtout scandinaves — peuvent se targuer de voir de nombreux cyclistes circuler lors de la saison blanche. Parmi elles, il y a la capitale danoise Copenhague, où on ne badine pas avec le déneigement des pistes cyclables. Lund et Ulmea, en Suède, et Helsinki, en Finlande, sont aussi des exemples souvent cités.
2. On risque des engelures
Comme tous les amateurs de sports d’hiver le savent, le secret réside dans… le multicouche. Un manteau par-dessus deux gilets ou chandails : tout dépendant de la température ambiante, les novices sont toujours étonnés de constater qu’il suffit de gravir une côte pour commencer à avoir chaud, même à moins 20. Sans oublier des gants chauds et une tuque pour protéger les parties du corps exposées.
3. Il faut y sacrifier un vélo
La gadoue, le froid, les redoux, la pluie et le calcium font la vie dure à un vélo. Or, cela ne signifie pas pour autant qu’il faille sacrifier une monture durant ces 4 à 6 mois, comme certains le laissent entendre. De nombreux sites offrent des trucs et astuces de base pour l’entretien hivernal.
Il pourrait aussi y avoir, en théorie, la solution du vélo-partage. À Toronto, le système Bike Share est ainsi disponible toute l’année. Les vélos, tout comme les stations et leurs points d’ancrage, sont conçus pour résister aux affres de l’hiver. Et ça marche : l’équivalent du BIXI montréalais là-bas — la technologie est la même — est utilisé de novembre à mars, surtout par des abonnés annuels.
On n’en est pas encore là à Montréal, où le système de vélos en libre-service cesse ses opérations le 15 novembre de chaque année, jusqu’à la mi-avril. Les montures hibernent alors dans un entrepôt dédié ; les stations, dans les stationnements du Parc olympique. L’idée de déployer BIXI en hiver « fait son chemin », affirme-t-on chaque année à la ville.
4. C’est trop d’efforts
Rouler dehors en hiver est plus laborieux qu’en été. La résistance au roulement, soit l’énergie perdue lorsque les pneus se déforment en contact avec le sol, est plus élevée en présence de neige folle au sol que sur un asphalte sec. Il en va de même si la surface de roulement est inégale, par exemple lorsqu’elle est croûtée plutôt que lisse.
Mais tout dépend de ce qu’on compare. Un vélo à assistance électrique permet d’annuler en partie la plus haute résistance au roulement. Et dans tous les cas, avoir à sa disposition des infrastructures cyclables bien entretenues est crucial.
5. Il faut être casse-cou
À Oulu, le vélo d’hiver est pratiqué par monsieur et madame Tout-le-monde. De fait, recourir à ce mode de déplacement dans des conditions est si normal que même des enfants le font tous les jours.
Mais encore une fois, la clé du succès est de mettre à la disposition des cyclistes d’hiver des pistes cyclables dégagées. À Oulu, les principaux axes du réseau de plus de 800 km sont par exemple déneigés avant les rues. À Montréal, ce sont 711 km de voies cyclables qui sont déneigés. Une recherche réalisée à Toronto en 2018, dans les quartiers entourant l’Université métropolitaine de Toronto, tendait à conclure que des infrastructures accessibles et dégagées constituaient l’argument-clé pour convaincre un plus grand nombre d’hésitants à utiliser leur vélo en hiver.