Génial Mathieu Arsenault. C’est la deuxième fois que j’assiste à un de ses spectacles et j’en sors à nouveau ébahie, admirative, réjouie, scotchée par ce phénomène qu’il ne faut pas manquer et qui se produit dans la pièce intitulée We are shining forerver à la recherche de l’entrée du royaume des morts au théâtre de la Chapelle, dans le cadre du Festival Phénomena de Montréal.
Cette fois-ci, Mathieu Arsenault n’est pas tout seul sur scène. Dans une mise en scène de Christian Lapointe, deux jeunes actrices prennent à tour de rôle le relais de ce triple monologue : Ève Landry, qui incarne le fantôme de l’autrice Vickie Gendreau, dont Mathieu rêve depuis sa disparition prématurée, et Mélodie Bujold-Henri, qui assure le fond musical au clavier et joue le rôle de la narratrice de l’histoire qui nous est raconté.
Le procédé est très habile. Il permet d’entendre et de voir (car les mots s’accompagnent d’une gestuelle finement codée) à trois reprises – avec ses variantes contextuelles – les propos de ce texte extraordinaire.
De son roman intitulé La morte, Mathieu Arsenault a tiré le texte de ce spectacle qui n’a rien de pénible ou de plombant, qui est juste jubilatoire.
Depuis la mort de son amie, sa meilleure amie, il voit réapparaitre Vicky dans ses rêves et y pense aussi lorsqu’il est éveillé. « La mort est une prison » nous dit-il, mais comme toute prison, sans doute, elle a ses moments de visite et peut-être ses possibilités d’évasion. La mort et le sommeil sont des jumeaux, affirmait-on dans l’Antiquité. Rien d’étonnant à ce que ces visites soient nocturnes et au fait que Mathieu tente de les exploiter, tel Orphée descendu aux enfers pour ramener son Eurydice. Car il s’agit de finir par trouver l’entrée de ce royaume des morts afin de faire reconnaître la qualité de grande écrivaine de Vicky aux vivants.
Le texte est jubilatoire. Le rythme accéléré mais limpide auquel le déclame Mathieu Arsenault donne le vertige, mais le rend pourtant parfaitement clair, drôle, plein d’ironie, d’autodérision, de lucidité et d’intelligence. On voudrait attraper chaque phrase, chaque mot au vol pour prendre le temps d’y réfléchir. Tout va très vite et la répétition est salutaire qui permet de s’imprégner de son humour paradoxal.
La pièce s’accompagne de décors tout aussi ironiques. La grosse boite dans laquelle est enfermé le fantôme de Vicky, celle où s’est un peu enfermé lui-même Mathieu dans son spectacle en restant dans l’entre-deux monde des morts et des vivants, et toutes les autres boites et les urnes remplies de cendres qu’un gros aspirateur suffira à nettoyer…
We are shining forerver à la recherche de l’entrée du royaume des morts, jusqu’au 15 octobre à La Chapelle
D’après le roman La morte de Mathieu Arsenault, publié aux éditions Le Quartanier en 2020
Dans le cadre du Festival Phénomena, qui propose une vingtaine d’événements jusqu’au 21 octobre. Infos : festivalphenomena.com
Interprètes : Mathieu Arsenault, Ève Landry et Mélodie Bujold-Henri
Installation : Claudie Gagnon
Lumière : Martin Sirois
Musique : Navet Confit
Interprétée en direct aux claviers par Mélodie Bujold-Henri
Mise en scène et adaptation : Christian Lapointe