Personne ne sera surpris d’apprendre que les géants de l’automobile ou des carburants fossiles font beaucoup d’efforts pour « verdir » leur image. Mais le fait que les deux tiers de leurs messages sur les médias sociaux aillent dans cette direction, semble signaler une stratégie jusqu’ici passée sous le radar.
Les deux tiers des 2325 messages publiés en juin et juillet et émanant de 22 compagnies européennes, présentent en effet une « innovation verte », mais sans en faire nécessairement la promotion. Les fabricants d’automobiles (12 des 22 compagnies) étaient largement en tête dans cette catégorie.
Seulement une publicité sur cinq fait vraiment la promotion d’un produit à vendre, les autres faisant plutôt la promotion de la marque en association avec la protection de l’environnement. Les messages en question ont été diffusés sur Facebook, Instagram, Twitter, TikTok et YouTube.
L’équipe de l’Université Harvard a mené cette étude sur « l’éco-blanchiment » (greenwashing), avec un financement de Greenpeace. Elle a ciblé des compagnies européennes du secteur de l’automobile (12), des carburants fossiles (5) et de l’aviation (5).
Il en ressort aussi qu’un message sur cinq parle de contributions de la compagnie au sport, à la mode ou à des causes d’intérêt social. Le résultat est une prédominance d’images de la nature, qui n’est peut-être pas innocente, spéculent les auteurs: ces images, comme les experts de la publicité le savent, provoquent des émotions positives, et peuvent servir à renforcer la perception d’une compagnie soucieuse de l’environnement. « Bien que cette association puisse sembler intuitive, elle n’avait jamais, à notre connaissance été confirmée de manière quantitative. »
Ces messages « verts » ont aussi plus tendance présenter des femmes, des jeunes et des personnes racisées.
Pour les auteurs de la recherche, l’abondance d’images de la nature ou de jeunes en train de faire du sport dans la nature, contribue à « forger la discussion publique sur le climat, les carburants fossiles et la transition énergétique ». C’est qu’en plus de faire apparaître ces compagnies comme plus vertes, ces images pourraient avoir pour effet de « détourner » la discussion de la responsabilité qu’ont ces compagnies à l’égard de l’environnement.
Une des raisons pour lesquelles Greenpeace a financé cette recherche est qu’elle voudrait envoyer aux élus européens le message qu’il serait temps de réglementer les publicités de ces compagnies, voire d’interdire leurs commandites des événements culturels, comme ces gouvernements l’ont jadis fait avec les compagnies de tabac.