Douze ans après sa sortie, difficile de déterminer si Inception, possiblement l’un des meilleurs films de Christopher Nolan, a eu un impact culturel marquant, à l’exception des memes tirés du long-métrage. Sur le plan cinématographique, cependant, impossible de nier la qualité du produit.
Le scénario est aussi simple que complexe : pour obtenir la levée du mandat d’arrestation lancé contre lui, Cobb (Leonardo DiCaprio) doit entreprendre une mission particulièrement difficile, soit entrer dans les rêves de l’héritier d’un gigantesque empire économique, et le convaincre de scinder la compagnie en plusieurs parts. Le hic, c’est que non seulement d’implantation d’une idée (la fameuse inception du titre) est complexe, mais le subconscient de Cobb, mis à contribution lors de ces plongées dans le pays des songes, regorge de dangers potentiellement mortels.
Si la structure scénaristique de base est claire et directe, le fait de se plonger dans trois niveaux de rêve subséquents, chacun avec son contexte et ses personnages, vient créer une fantastique mosaïque qui fait définitivement la force du film: avec trois réalités imaginées enchâssées l’une dans l’autre, le déroulement des séquences tient parfois de la haute voltige. La séquence où, dans le premier niveau de rêve, le véhicule qui transporte nos protagonistes se retrouve à faire des tonneaux, faisant en sorte que dans le niveau tout juste en dessous, le personnage d’Arthur (Joseph Gordon-Levitt) se retrouve à se battre dans un corridor d’hôtel tournoyant, avec gravité changeante, est un bijou de technique qui continue d’impressionner, même en sachant comment Nolan y est parvenu.
Le réalisateur (et scénariste, et coproducteur en compagnie de sa femme Emma Thomas), d’ailleurs, n’a pas lésiné sur les moyens pour parvenir à ses fins. Cette fameuse scène de combat dans l’hôtel? Un cylindre gigantesque, capable de tourner sur lui-même dans le sens de la longueur, à l’intérieur duquel est non seulement installé le décor, mais aussi les caméras. Cela permet de faire pivoter l’ensemble, et donc de suivre les mouvements des acteurs sans devoir trop s’appuyer sur les effets spéciaux, qui n’auraient pas nécessairement offert cet aspect « naturel » à la chose.
Inception, c’est aussi un film articulé autour de la musique. Celle de La vie en rose, certes, mais aussi celle de Hans Zimmer, qui avait déjà collaboré avec Nolan pour sa trilogie Batman, et qui est ici toujours autant en forme et efficace. D’ailleurs, la pièce Mind Heist, utilisée dans la bande-annonce du film témoigne fidèlement du côté particulièrement dramatique de l’oeuvre. Qu’est-ce qui pourrait être plus inquiétant et fantastique, en effet, qu’un monde où les rêves peuvent non seulement être manipulés par des individus « conscients », mais aussi où notre propre subconscient peut soudainement décider de s’en prendre violemment à notre propre personne, avec des conséquences funestes?
Avec une distribution plus que solide, y compris les grands talents de Cillian Murphy et de Ken Watanabe, notamment; avec un scénario enlevant qui nous garde accrochés, même après avoir vu le film près d’une dizaine de fois, et avec un accompagnement musical sans faille, que peut-on reprocher à Inception? Rien, en fait. Le film est un chef-d’oeuvre, et on se laisse allègrement emporter par son univers à la fois tout à fait réel et fantastique.