L’invasion russe de l’Ukraine continue d’avoir des répercussions sur le Vieux Continent; si le bloc géopolitique a imposé de vastes sanctions contre l’envahisseur, ces mêmes sanctions viennent mettre à mal un réseau d’approvisionnement en gaz naturel qui s’appuyait sur l’abondance et le faible coût du combustible russe.
Selon une nouvelle note d’information de l’Economist Intelligence Unit, l’Europe pourrait ainsi avoir bien froid, l’hiver prochain, en raison du manque de gaz stocké dans ses réservoirs.
Au dire des experts de l’organisation, qui disent s’attendre à ce que Moscou n’ouvre pas vraiment plus les vannes à destination de l’Europe, à moins qu’elle ne réduise carrément les livraisons (ce qui s’est bel et bien produit depuis la publication du rapport), les pays du Vieux Continent continueront de peiner à trouver des sources de remplacement pour assurer que leurs citoyens puissent se chauffer et s’éclairer.
Ainsi, en date de la mi-juillet, les données recueillies indiquaient qu’en moyenne, les réservoirs de gaz naturels étaient pleins à seulement 62 % au sein de l’Union européenne (UE). La Pologne, le Danemark, la Suède et l’Espagne s’en tireraient un peu mieux, mais dans des pays comme la Bulgarie, la Croatie, la Hongrie et la Roumanie, toutes d’anciennes républiques soviétiques qui sont demeurées dépendantes, sur le plan énergétique, de leur ancienne puissance centrale, les efforts de remplissage prennent du retard, et les températures froides se rapprochent.
« En hiver, la consommation de gaz naturel au sein de l’UE tourne varie entre 130 et 148 milliards de mètres cubes, depuis 2014. En ce moment, les pays membres ont stocké 79 milliards de mètres cubes », lit-on ainsi dans la note d’information, qui évoquent « de graves pénuries dans plusieurs pays dans le cas d’un hiver difficile ».
Toujours selon le rapport, ce sont les pays d’Europe centrale, comme l’Allemagne, ainsi que plusieurs pays d’Europe de l’Est, comme la République tchèque, ainsi que la Hongrie, notamment, qui sont les plus à risques de souffrir d’une pénurie de gaz naturel, cet hiver. Cela peut s’expliquer par les besoins liés au chauffage, mais aussi, comme dans le cas de l’Allemagne, par des industries ayant besoin d’une grande quantité de gaz naturel.
D’autres nations, comme la Pologne, la France, l’Espagne et le Royaume-Uni, ou encore la Grèce, sont largement à l’abri d’une pénurie directe.
Cependant, l’ensemble des pays de l’UE, à des degrés divers, sont moyennement ou largement à risque de subir les conséquences secondaires de telles pénuries. Cela pourrait inclure une augmentation de l’inflation, qui ferait alors hausser des prix de l’énergie qui sont déjà élevés. Au Royaume-Uni, où l’inflation pourrait atteindre 22 %, les prix de l’énergie sont déjà si élevés, avant une autre forte hausse prévue cet automne, qu’une bonne partie des ménages est dans le « rouge énergétique », c’est-à-dire qu’ils consacrent une part disproportionnée de leurs revenus à l’éclairage, et surtout au chauffage.
Un processus qui prendra des années
Il faudra du temps pour réduire les vulnérabilités de l’Europe face au marché de l’énergie abondante et bon marché qui s’est largement tari depuis le début de la guerre en Ukraine, à la fin février, écrivent les auteurs du rapport.
À court terme, disent-ils, « nous nous attendons à une récession en Europe, cet hiver, avec la majorité de l’impact économique qui se fera sentir au quatrième trimestre de 2022 et au premier trimestre de 2023 ».
Pire encore, « un contexte mondial peu pratique, avec les restrictions monétaires aux États-Unis et le ralentissement de la croissance en Chine, en plus de la nervosité croissante des investisseurs, viendra exacerber les difficultés en Europe ».
Il faudra en fait attendre au moins après l’hiver 2023-2024 pour que la situation se stabilise, écrivent les experts de l’Economist Intelligence Unit. Mais à terme, « l’approvisionnement énergétique de l’Europe sera plus vert et plus résilient », avec « des prix élevés qui forceront les ménages à faire le choix de l’efficacité énergétique ». Le tout au prix de « plusieurs années de douleurs économiques et de turbulences politiques ».