Dix-huit ans après avoir quitté le petit écran, les héroïnes de Sex and the City, qui ont désormais atteint la cinquantaine, sont de retour dans la série And Just Like That, dont la première saison est maintenant disponible en DVD.
And Just Like That met en vedette trois des héroïnes originales de la série Sex and the City, soit Carrie, Miranda et Charlotte, qui sont toujours les meilleures amies du monde. Puisque Kim Catrall a refusé de reprendre son rôle, les scénaristes ont inventé un prétexte pour justifier l’absence de Samantha, qui aurait été congédiée par Carrie de ses fonctions d’agent littéraire, et en froid avec le reste du groupe, cette dernière aurait déménagé à Londres. C’est seulement à travers des messages textes qu’elle se manifeste. En pleine crise de la cinquantaine, Miranda décide de quitter son travail d’avocate et s’en va étudier les sciences sociales. Mariée avec deux enfants, Charlotte est encore aussi bourgeoise. Carrie participe à un podcast sur la sexualité, mais devra composer avec la mort de son mari, Mr. Big, après que ce dernier ait fait une crise cardiaque suite à une séance de vélo stationnaire. Cet événement survenant au premier épisode marquera l’ensemble de la série, qui sera placée sous le signe du deuil.
En visionnant And Just Like That, il est frappant de constater à quel point la culture a profondément changé en à peine une vingtaine d’années. Alors qu’en 1998, Sex and the City se démarquait en parlant de cul, du point de vue féminin, certes, mais sans ambages ni détour, cette suite doit maintenant marcher sur des œufs pour aborder le même sujet tout en évitant de froisser les sensibilités, entre les transgenres, les cisgenres, les non-binaires, et toutes les autres dénominations du spectre de l’identité sexuelle. Cette nouvelle réalité s’incarne dans une scène complètement absurde de la série. La fille de Charlotte, Rose, souhaite désormais se faire appeler Rock et être identifiée comme un garçon. Comme elle n’a que douze ans, ses parents veulent se donner du temps afin de vérifier s’il ne s’agit que d’un caprice passager, ce qui semble tout à fait raisonnable, mais les professeurs à l’école les font sentir coupables de ne pas supporter pleinement le choix de leur enfant de changer de sexe.
Les scénaristes abordent des sujets sérieux et parfois sensibles à travers les dix épisodes de cette première saison, comme le patriarcat, le mansplaining, l’appropriation culturelle, la culture de l’annulation, l’âgisme, le refus de vieillir se traduisant par l’utilisation de botox et de chirurgie plastique, les relations de couple routinières quand la passion amoureuse s’est éteinte, la ménopause, ou encore le retour à la vie normale après deux ans de pandémie et de confinement, mais tandis que Sex and the City possédait un ton léger et humoristique, And Just Like That est beaucoup moins drôle, et ressemble davantage à un téléroman dépeignant le quotidien d’un groupe de bourgeoises blasées qu’à une comédie. Certains moments rappellent l’humour cru qui caractérisait la série originale, lorsque Miranda marche pied nu sur le condom usagé que son fils a laissé traîner sur le plancher de sa chambre par exemple, mais ces scènes sont malheureusement rares, et trop éloignées les unes des autres.
Les comédiennes principales se glissent dans la peau de leur personnage avec aisance, comme si Sex and the City s’était terminé il y a quelques jours, et non pas dix-huit ans. Sarah Jessica Parker insère une touche de tristesse crédible dans son interprétation de Carrie, qui compose assez mal avec le deuil de son mari, et sous prétexte de suivre la mode, elle s’habille toujours aussi mal. Dans le rôle de Charlotte, Kristin Davis semble souffrir d’un excès de botox figeant la majeure partie de son visage. Cynthia Nixon, dont le personnage de Miranda a toujours été une femme forte et indépendante, n’est plus du tout la même, et elle s’avère incapable de s’adresser à sa professeure afro-américaine sans se mettre le pied dans la bouche, bien qu’elle ait déjà été en couple avec un Noir par le passé. Obligés de composer avec la mort de Willie Garson (l’acteur jouant Stanford, l’ami gay de Carrie), les scénaristes l’expédient au Japon au beau milieu de la série. Parmi les nouvelles venues, on remarque surtout Sara Ramirez, qui incarne Che Diaz, un(e) humoriste non-genré(e), et Sarita Choudhury, une agente immobilière dans la cinquantaine connaissant le succès, mais n’ayant toujours pas trouvé l’âme sœur.
Le coffret de la série And Just Like That… The Complete First Season contient les dix épisodes de quarante-cinq minutes chacun sur deux disques au format DVD. Si vous vouliez en apprendre davantage sur les retrouvailles entre les comédiennes originales près de vingt ans plus tard, les raisons de l’absence de Kim Catrall, ou la manière dont les scénaristes ont dû composer avec les sensibilités modernes et la complexité des identités sexuelles au 21e siècle, vous devrez chercher ailleurs, puisque l’édition ne contient absolument aucune forme d’extras ou de matériel supplémentaire, même pas une simple piste de commentaires.
Il n’est pas évident de faire de l’humour en parlant de sexualité de nos jours sans froisser un quelconque groupe d’intérêt, et même les nostalgiques de Sex and the City risquent d’être déçus par And Just Like That, une suite plus dramatique, et culturellement beaucoup moins pertinente, que la série originale.
6/10
And Just Like That… The Complete First Season
Réalisation: Michael Patrick King, Gillian Robespierre, Cynthia Nixon, Anu Valia, Nisha Ganatra
Scénario: Michael Patrick King, Darren Star, Julie Rottenberg, Elisa Zuritsky, Keli Goff, Samantha Irby, Rachna Fruchbom (d’après les personnages créés par Candace Bushnell)
Avec: Sarah Jessica Parker, Cynthia Nixon, Kristin Davis, Sara Ramirez, Mario Cantone, Evan Handler, Sarita Choudhury et Alexa Swinton
Durée: 360 minutes
Format : DVD (deux disques)
Langue : Anglais seulement