Troisième long-métrage de celui qui a définitivement réussi ses classes comme réalisateur, Nope est… une bien étrange création cinématographique. Entendons-nous : si Jordan Peele a effectivement tout ce qu’il faut pour réussir, comme réalisateur – s’il a l’oeil, comme on dit –, c’est plutôt comme scénariste que l’on se sent obligés d’émettre quelques réserves.
Dans une vallée de l’ouest des États-Unis, Otis Junior, fils d’un éleveur de chevaux qui loue ses bêtes pour des productions cinématographiques, est témoin de la mort de son paternel lorsque de petits objets, lancés à une vitesse folle en tombant d’on ne sait trop où. Cet événement, tout traumatisant qu’il soit, ressemble à un incident isolé… Jusqu’à ce que quelqu’un, ou quelque chose, revienne et ne fasse plus de victimes.
Pour ce mystère à saveur de science-fiction, doublé d’une bonne dose d’horreur, Peele mise sur des thèmes connus : un fond de discrimination, d’abord, mais aussi la peur de l’inconnu, l’abnégation devant l’héritage familial…
Tout cela est bien amené, et surtout bien présenté, avec quelques moments rigolos où les personnages principaux, confrontés à quelque chose de particulièrement effrayant, choisissent de simplement prendre la fuite. D’où le « nope » du titre.
Là où les choses coincent, c’est dans la construction du scénario : si on comprend l’important de maintenir une bonne partie du mystère, puisqu’il n’est certainement pas essentiel de tout expliquer, tout le temps, pour apprécier un phénomène, aussi inexpliqué soit-il, il faut quand même en donner au cinéphile, à quelques occasions. Sinon, on a l’impression d’être tombés au beau milieu de quelque chose, sans savoir ce dont il s’agit, et sans vraiment comprendre, surtout, pourquoi il faudrait s’y intéresser.
Le plus important problème de Nope est probablement le fait que M. Peele, qui est à la fois producteur, scénariste et réalisateur, consacre de très longues minutes (y compris les premières séquences de son film), à nous parler de personnages, y compris un animal devenu fou, personnages qui n’auront ensuite aucun impact que ce soit sur la suite de l’histoire.
Bref, Nope n’est pas foncièrement un mauvais film, mais on a franchement le sentiment que M. Peele trouve ses créations cinématographiques particulièrement audacieuses et innovantes… Mais que la signification de ce « coup de génie » dépend de facteurs, d’idées ou de circonstances qui ne sont connus que de M. Peele seulement. Quel dommage…