En cette ère où le désir de justice, de la part de bien trop nombreuses femmes violentées et agressées, se heurte à l’opacité et à l’immobilité d’un système de justice depuis longtemps trop clément envers certains coupables, Compulsus, présenté dans le cadre du festival Fantasia, donne pratiquement dans le long-métrage de vengeance fantasmée. Une proposition qui fera certainement réagir.
Femme queer désespérée par les violences faites à ses amies, sa soeur, voire les femmes en général, Wally décide de prendre littéralement les choses en main, et s’en prend d’abord à un chef cuisinier connu pour ses talents culinaires, mais surtout pour ses agressions. Le voilà passé à tabac et laissé quasiment inconscient dans un passage souterrain.
Transformée par cette expérience salvatrice, Wally se met en tête de s’attaquer à tous les agresseurs, les violeurs, les harceleurs… Bref, tous les hommes qui mériteraient de finir leurs jours, célibataires et voués aux gémonies, derrières les barreaux d’une prison, mais que le système protège, ou n’a pas su punir pour diverses raisons.
Réalisé et scénarisé par Tara Thorne, qui en est à son premier long-métrage, Compulsus flirte entre la justice personnelle et l’exploitation. Après tout, s’il est possible de tourner des oeuvres à propos d’hommes qui abattent des dizaines de méchants au nom de la justice, pourquoi ne pourrait-on pas parler d’une poétesse queer qui se venge des hommes qui représentent les aspects les plus toxiques de la masculinité?
Et si le sujet des présumés agresseurs impunis est définitivement – et malheureusement – d’actualité, ici comme ailleurs, on ne peut s’empêcher que Compulsus n’aborde pas, que ce soit involontairement ou volontairement, le dilemme moral au coeur du scénario : est-il justifié de prendre les choses en main et de s’improviser juge, juré et bourreau lorsque l’on a l’impression que les institutions en place ont failli?
Certes, cette question est évoquée, mais est rapidement laissée dans les limbes, de même que les risques qu’une personne innocente soit faussement accusée. Wally et sa compagne vont en fait glisser dans une spirale de violence, avec des actes qu’elles justifieront pour la simple et bonne raison que les victimes « l’ont bien cherché », ou, simplement, parce que frapper et blesser des gens peut s’avérer grisant, à la longue.
Bien entendu, il s’agit d’un film, et non pas nécessairement d’un débat éthique, philosophique et judiciaire dans le contexte de la vraie vie, mais impossible de ne pas avoir l’impression de Compulsus s’en tire par une pirouette, sans nécessairement résoudre entièrement le problème.