Le 2 juin dernier, dans une ruelle de Rosemont, se produisait le BURNING BRAsS BAND. Leur prestation était suivie de deux autres activités, elles aussi présentées gratuitement à qui voulait bien les entendre.
Pour l’occasion, le BBB réunissait sept de ses représentantes dans une atmosphère bon enfant dont ont profité plusieurs dizaines de voisin.e.s et de personnes venues de plus loin et qui, visiblement, avaient mis l’événement à leur agenda.
Un saxophone baryton, deux trompettes, deux saxophones, un trombone et une batterie, voilà tout ce qu’il a fallu pour enflammer la ruelle. Pour cette prestation d’une trentaine de minutes, nous avons eu droit à des rythmes soutenus, et parfois même endiablés. La sonorité, toujours le grand défi lorsque joue en extérieur, était au rendez-vous, enclavée entre les clôtures de bois et les maisons en rangée. L’interprétation était solide, malgré une ou deux hésitations au trombone et à la trompette.
Le répertoire est typique des ensembles de cuivres de la tradition « brass band » et est agrémenté d’arrangements sur de la musique populaire. Il est d’ailleurs un peu dommage qu’aucune des pièces n’ait été nommée même si plusieurs ont été reconnues.
Mais ce qu’on retient sans doute le plus du travail de ces musiciennes engagées, c’est le plaisir de faire de la musique sans contrainte et de partager leur art avec tout un chacun. Elles se sont produites en extérieurs à plusieurs reprises cette saison et continueront de le faire. Vous pourrez les trouver facilement sur les réseaux sociaux.
Après leur prestation, j’ai eu la chance de m’entretenir avec plusieurs membres du groupe.
Se retrouver
À l’origine, Stéphanie Sens, leader du groupe, jouait dans une formation plutôt classique et n’était plus satisfaite musicalement. Elle a cherché un band qui répondrait à son besoin, son type de répertoire, son type de personnes. Comme le groupe recherché ne semblait pas exister, on lui a suggéré de le créer son band de rêve. Ce band allait donc être composé uniquement de femmes et allait jouer de la musique de « brass band ». Et c’est le bouche-à-oreille qui allait être le principal moteur de recrutement.
Le groupe opère à géométrie variable en fonction des disponibilités de chacune et des besoins de la prestation. En plus des musiciennes présentes ce jour-là, on compte au moins un autre trombone et un euphonium en plus d’un certain nombre de réservistes. Cette panoplie de musiciennes permet une grande complémentarité, mais aux dires des membres du groupe, « la communauté existe à peine ». En effet, le but du projet, car il s’agit bien d’un projet, n’est pas seulement de faire de la musique, c’est aussi de créer une communauté de musiciennes, d’élargir les réseaux de contacts, de faire connaître et reconnaître le talent des musiciennes d’ici.
Pour ces femmes, le Burning Brass Band est un lieu sécuritaire, un endroit où elles se sentent bien ensemble et où elles savent être à l’abri des commentaires sexistes. Car ils sont légion, les commentaires qu’elles ont endurés au fil des années : « Tu n’es pas assez grande pour jouer du trombone »; « T’es bonne pour une fille »; « Tu ne joues pas comme une fille mais comme un vrai homme ».
Dans le band, les musiciennes ne se sentent pas obligées de prouver quoi que ce soit. Elles n’ont plus de besoin de travailler deux fois plus qu’un homme pour qu’on reconnaisse leur talent. Elles sont acceptées telles qu’elles sont et… elles sont douées!
Le band a permis à ses membres de connaître plusieurs nouvelles musiciennes, de les apprécier et de les recommander pour jouer avec d’autres.
Quand je leur demande si elles ont un message à passer, elles disent souhaiter que les jeunes musiciennes comprennent qu’elles peuvent réussir aussi bien que les hommes. Elles souhaitent être un modèle pour montrer aux jeunes femmes qu’elles sont capables. Elles souhaitent aussi que les jeunes garçons apprennent très tôt qu’ils ont intérêt à jouer avec les femmes et non seulement entre hommes.
Certaines d’entre elles auraient bien aimé grandir avec un modèle à suivre. De nos jours, il y a de la diversité et il faut le reconnaître.
Elles ont tout de même certaines inspirations chez les femmes musiciennes et compositrices. Elles envisagent d’ailleurs de créer des œuvres écrites pour elles et de jouer aussi des pièces écrites par des membres du groupe. Pour le moment, les arrangements qu’elles jouent sont l’œuvre de Provencher, Lajoie et Sens.
Alors que plusieurs d’entre elles ont joué dans de grandes salles de spectacle ou dans des festivals de jazz, je leur ai demandé quels avantages elles voyaient à jouer aussi dans des ruelles. « Jouer pour les gens, avoir un feedback direct, voir les enfants danser, faire de la musique pour les relations sociales, démocratiser la musique », voilà ce qu’elles m’ont répondu.